Peut-on vivre sans prendre de risques ?

« Passé le confinement, il faut sortir de chez soi, pour que la vie reprenne. Il est urgent de nous « déconfiner », non seulement du confinement du corona, mais du confinement existentiel imposé par le monde moderne. »
Dans une série de l’émission La Bible à la Une, Etienne Dalher, diacre de la Communauté des Béatitudes et directeur de Radio Ecclesia, partage ses réflexions sur le vécu de l’épidémie, le confinement, les notions de risque, de prudence, et l’urgence de la vraie charité… !

Voici ci-dessous les textes des deux premières émissions dont vous pouvez écouter les podcasts ici sur Radio Ecclesia.

Vivre sans risque est-il possible ?

Emission du 25 mai 2020

Avant l’épidémie du coronavirus, bien avant, notre société s’était déjà enfoncée jusqu’au cou dans le monde de la précaution, de l’assurance tout risque, de la protection, développant ainsi une conception aseptisée de la vie. Bien vivre, c’était vivre tranquille à l’abri de tous les dangers. Ecartant ainsi tous les risques, nous pensions gommer nos peurs, et oublier la mort.

C’était logique. L’avoir devait protéger l’Etre. Nous étions assurés contre tout : la maladie, le vol, l’incendie, les accidents, la grêle, et même la mort ! La même logique prévaut dans bon nombre de jeux vidéo, où l’on dispose de plusieurs vies, et où l’on peut acquérir en cours de jeux, des points de vie qui nous assure de pouvoir continuer l’aventure. Quand je suis mort, je renais !

Mais ces protections multiples ont parfois des effets pervers. On peut se croire invulnérable, et quasi-immortel, et du coup, perdre le minimum de prudence que requiert l’existence. Autre effet néfaste : les barrières de protection nous enferment sur nous-mêmes, nous étouffent, et dénaturent la vie.

La vie est une succession de risques. A commencer par celui de naître. On oublie vite que venir au monde est un acte risqué pour la maman comme pour le bébé. Naître c’est faire un grand saut dans l’inconnu, passer d’un monde à un autre, sans avoir lu la notice. Passer d’une respiration embryonnaire dans un milieu aquatique, ténébreux, à une température élevée, et d’un mode de nutrition interne, à la vie dans un monde gazeux, lumineux, plus froid, où il faut apprendre à respirer autrement, et à se nourrir par la bouche !

La crise du corona n’a fait qu’exacerber cette peur du risque, au fond la peur de la mort.

Et les risques ne cesseront pas tout au long du chemin. Tous les jours nous encourons sans en avoir conscience des centaines de risques.

La crise du corona n’a fait qu’exacerber cette peur du risque, au fond la peur de la mort. On a désormais peur de tout : de boire dans un verre, de toucher une clenche de porte, mais plus grave, on a peur de tout le monde. L’autre est synonyme de danger. Il faut rester à distance, ne plus se manifester d’affection autrement que par la parole. Apprendre à se méfier !

Saurons-nous si facilement revenir un jour à des relations normales, chaleureuses et risquées ?

Un pédopsychiatre s’inquiétait récemment des séquelles produites dans l’esprit des enfants qui voient aujourd’hui dans leur copain d’hier, une menace, un danger, un ennemi, qu’il faut fuir !

Voilà des séquelles du corona auxquelles nous n’avions pas pensé. Ou plutôt des séquelles de la façon dont nous avons décidé de réagir au corona. Jamais dans la pire épidémie de grippe nous n’avions ainsi saborder nos libertés et nos moyens d’exprimer notre affection ou notre sympathie.

Il est à craindre que demain, nous voudrons, plus encore qu’avant, nous prémunir de tout risque. Au détriment de la vie.

Prudence et prévoyance

Emission du 26 mai 2020

« Vivre prudemment, sans prendre de risques, c’est risquer de ne pas vivre. » Cette maxime est l’œuvre de Wladimir Wolf Gozin écrivain et peintre français du début du XXème siècle.

Elle confirme ce que nous disions dans notre précédente émission. La vie est faite de risques. Vouloir se prémunir contre tout risque, va à l’encontre de la vie. Après deux mois de confinement, nous en avons fait l’expérience. Chez soi, rassuré peut-être, mais isolé de tout et des autres, isolé de la nature. Le confinement ce n’était pas une vie !

Pourtant, ne doit-on pas tout au long de la vie, faire preuve de prudence. Doit-on se lancer tête baissée dans n’importe quelle aventure ? Bien sûr que non. La prudence est une attitude hautement recommandée. Elle requiert de réfléchir avant d’agir, de bien mesurer les conséquences possibles, de calculer la dépense.

Luc 14, 28 : « Car, lequel de vous, s’il veut bâtir une tour, ne s’assied d’abord pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi la terminer. »

Luc 14, 31 : « Quel roi, s’il va faire la guerre à un autre roi, ne s’assied d’abord pour examiner s’il peut, avec dix mille hommes, marcher à la rencontre de celui qui vient l’attaquer avec vingt mille ? »

Deux exemples qui montrent la nécessité de la réflexion et de la prudence. Il ne convient pas d’aller délibérément à l’échec ou au massacre. La prudence fait partie de l’attitude chrétienne face aux risques. Pourquoi ? A cause de la valeur de la vie. On ne peut mettre en danger une vie de manière irresponsable et irréfléchie. Et l’on comprend les Pères de l’Eglise qui aux siècles de persécution, réclamaient aux chrétiens de la prudence et de la sagesse, alors que bon nombre d’entre eux couraient volontairement vers le martyre en allant se dénoncer eux-mêmes aux autorités romaines.

« Vivre prudemment, sans prendre de risques, c’est risquer de ne pas vivre. »

La meilleure amie de la prudence, n’est pas la peur – la peur est toujours mauvaise conseillère -, mais la prévoyance. Prévoir permet d’anticiper le risque, et d’avoir face à lui toutes les chances de l’éviter. Le signal routier qui vous indique un virage à venir est là pour que vous anticipiez le danger avant de vous trouver au milieu du virage. Ainsi, vous pouvez prévoir le virage et prendre les précautions nécessaires pour le négocier correctement.

A l’inverse l’imprévoyance vous fait commettre des imprudences, et donc vous vous exposez à des risques plus importants. Car ils vont vous surprendre.

La suite de ces textes dans ce prochain article…

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Etienne Dalher

Marié et père de quatre enfants, Etienne Dalher est membre de la Communauté et diacre permanent. Professeur de philosophie, il est fondateur de Radio Ecclesia (diocèse de Nîmes), auteur de nombreux ouvrages, animateur de pèlerinages en Terre Sainte, réalisateur d'émissions radio et de documentaires TV.

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