Kabinda, 40 ans déjà ! En cet anniversaire de la fondation, c’est une immense action de grâce que nous voulons exprimer au Seigneur, pour tous les bienfaits que Dieu a opérés à Kabinda. Quelques mois après la fondation en terre musulmane à Casablanca au Maroc, cet hôpital est la seconde « mission » de la Communauté des Béatitudes en Afrique. Le 19 mars 1982, une petite équipe de frères et sœurs, consacrés et laïcs, y est partie en réponse à l’appel de l’évêque formulé dans cette question : « Mes enfants meurent, qui enverrai-je? » Tout cet article est tiré du n°83 de la revue Troas.
Tout a commencé lorsque le Seigneur a envoyé sœur Ancilla, clarisse missionnaire à Kabinda, au Zaïre (devenu la République démocratique du Congo), pour rencontrer les responsables de la jeune Communauté du Lion de Juda (ex. nom des Béatitudes) en 1981. Son message était simple et clair : « Je suis mandatée par mon évêque pour recruter des médecins européens. J’ai frappé à toutes les portes et n’ai trouvé personne. Vous êtes ma dernière chance. Kabinda est une ville pauvre ; les malades n’y sont pas soignés ; les enfants y meurent ; la population est mal nourrie. Il n’y a ni eau, ni électricité. Les pistes pour y accéder sont à peine praticables. »
C’est dans la prière et l’adoration que la réponse s’est fait entendre dans le cœur de plusieurs frères et sœurs de la Communauté, qui ont alors répondu : « Me voici ! »
Un premier voyage de reconnaissance a été effectué par André Girier, pédiatre, qui est parti à Kabinda en septembre 1981. Il a été accueilli avec enthousiasme dans les paroisses et le président du comité paroissial lui a adressé ce discours : « Nous vous attendons pour le bien de nos corps et de nos âmes ». En effet, le Seigneur nous avait envoyés en Afrique comme ses serviteurs en ne limitant pas nos activités seulement aux soins des corps, mais aussi des âmes. C’est l’Église de Kabinda qui sollicitait la Communauté et c’est pour elle que nous y sommes allés.
Quand, en 1982, la nouvelle équipe soignante est arrivée à l’hôpital, le personnel avait déserté les lieux, il ne restait que quelques malades abandonnés à eux-mêmes, venus finir leurs jours ici plutôt qu’au village. Les locaux étaient délabrés et sales, le matériel vétuste, les lits sans matelas, les équipements obsolètes. Il n’y avait plus d’argent ! Ce sombre tableau n’a pas été un obstacle pour ceux qui se sont engagés dans le combat de la reconstruction, au contraire.
Depuis 40 ans, des frères et sœurs de la Communauté n’ont cessé de se mettre au service des pauvres et des malades et au service de l’Église locale à travers l’évangélisation. Nous laissons la parole à quelques uns des premiers membres dans la fin de cet article…
André Girier – Quelle situation t’a le plus marqué ?
Médecin français devenu prêtre, a séjourné à Kabinda avec sa famille de 1982 à 1984. Il a été le premier directeur de l’hôpital.
Sans réfléchir, la première réponse serait la guérison inattendue, spectaculaire, miraculeuse de deux enfants comateux réveillés, l’une par le baptême, l’autre par un traitement trop rapidement efficace après une prière de guérison et une onction d’huile de Notre Dame du Laus. Cependant, ce qui m’a marqué à Kabinda, dès notre arrivée, c’est l’action de la Providence dans la vie quotidienne de notre petite communauté unie dans la prière et le désir de servir. À peine arrivés, il a fallu faire une césarienne, la nuit, sans électricité, sans eau courante avec un minimum de matériel médical usé. Réunir les instruments, faire bouillir l’eau et s’éclairer à la lampe à pétrole pour compléter la lumière des phares de la voiture placée derrière le vitrage du bloc opératoire… Ce dernier était en état de fonctionner… Les opérateurs n’étaient pas des chirurgiens entraînés mais grâce à la dextérité du docteur Alain Merlo, l’issue fut rassurante : « la mère et l’enfant se portaient bien ! »
Sr Agnès Régnier – Un orphelinat à la maison !
Infirmière française et sœur de la Communauté des Béatitudes, est arrivée à Kabinda avec la première équipe en mars 1982.
Quand nous sommes arrivés à l’hôpital de Kabinda, un orphelinat existait à côté de la maternité. Cinq petits enfants y étaient gardés, posés à même le sol en ciment durant toute la journée. En effet, lorsqu’une femme meurt en couche, c’est l’enfant qui est tenu responsable de la mort de sa mère et de ce fait il est rejeté. Isolés, sans beaucoup de relations humaines et affectives, aucun n’a survécu !
Devant cette situation dramatique pour moi, n’ayant que 21 ans, je me suis mise en prière pour demander au Seigneur de nous venir en aide. Et voici qu’un jour, je suis partie avec notre médecin chef chez l’évêque qui avait la responsabilité de l’hôpital, pour lui demander de fermer ce service et de me permettre de créer une autre façon d’accueillir les nouveaux nés orphelins de mère. C’est ainsi que s’est mise en place une véritable chaîne de solidarité et de prise en charge par des mamans chrétiennes qui ont accepté d’accueillir et d’élever un bébé chez elle dans leur ilieu familial. Ces mamans allaient à contre-courant des tabous de la société dans laquelle elles se trouvaient. Grâce à leur foi, leur générosité et leur amour de mère, ces mamans ont sauvé 36 enfants de l’abandon et de la mort.
Frère Joël Massoni – En pastorale dans les villages
Prêtre français de la Communauté des Béatitudes
J’ai eu la grâce de passer 2 ans (1987-1989) à Kabinda. N’ayant aucune compétence médicale, j’étais au service de la maison et aussi de la pastorale dans les villages éloignés de Kabinda, notamment à Miefukalé, à 100 km, 4 heures de piste en 4×4, dans la boue ou la poussière. Dans ce village, le prêtre (je ne l’étais pas encore à l’époque) ne passait qu’une fois tous les 3 ans. Les chrétiens n’avaient donc pas l’Eucharistie, ni même la présence réelle. Pourtant tous les dimanches ils se réunissaient dans la chapelle où le catéchiste dirigeait la prière. Ils avaient toute la liturgie de la messe sauf la consécration et la communion – trop pauvres pour recevoir Jésus dans la communion ! Il y avait un moment où ils se levaient et s’approchaient de l’autel, c’était pour la procession des offrandes, la quête. Ils s’avançaient en file indienne, dansant d’un pied sur l’autre, en apportant au pied de l’autel, qui, une brassée de bois, qui, quelques épis de maïs, qui, un peu de monnaie, le tout distribué aux veuves et aux plus pauvres à la fin de la célébration. C’était le moment le plus joyeux de la célébration où ils chantaient de tout leur cœur des « alléluias », des « hosannas » et des « gloire à Dieu », aussi longtemps que durait la procession. Eux qui n’ont rien savent donner avec joie et je pense qu’ils sortent de la célébration davantage en communion avec le Christ Jésus, que nous qui allons si souvent communier la tête pleine de nos préoccupations. Eux qui ne font qu’un repas par jour et qui connaissent au quotidien la faim ont faim et soif de la Parole de Dieu ! Eux qui manquent de tout savent donner avec joie. J’en ai encore les larmes aux yeux chaque fois que j’y repense. Quelle leçon pour nous !
Sr Claire-Anne Nogier – Médecin du corps et de l’âme
Médecin française et sœur de la Communauté des Béatitudes
J’ai vécu dans notre foyer des Béatitudes à Kabinda pendant 26 années, de 1990 à 2016, en tant que sœur consacrée missionnaire, et médecin à l’Hôpital, dont j’a i été la directrice de 2002 à 2015, au service de la population d’une zone de santé très étendue.
J’ai tellement reçu du peuple de Kabinda, tant de visages de ceux que nous avons accueillis et soignés défilent devant mes yeux. Les malades nous arrivent souffrant de pathologies à un stade très avancé parce qu’ayant trop attendu. Il est nécessaire alors de déployer beaucoup d’énergie pour tenter de les sauver avec nos moyens qui sont limités… Si tant ont été guéris et ont regagné leur village, d’autres ont rejoint le Père et nous ont donné un avant-goût du Ciel. Je me souviens de cette jeune femme, malade dans son psychisme, dont l’enfant est décédé en service de pédiatrie. Elle est venue au portail de notre Communauté avec son nourrisson dans les bras, en criant pour nous demander de rendre la vie à son enfant, il ressemblait à un poupon de cire tant il était beau et son visage paraissait pacifié. Nos prières ne lui ont pas rendu la vie terrestre, mais nous avons accompagné cette mère dans sa détresse. Tel cet enfant amené du village suite à l’éboulement d’un mur sur son corps après de fortes pluies, il présentait une hémiplégie. Nous nous sommes réunis autour de son lit pour prier pour lui, ses yeux qui étaient éteints sont devenus subitement lumineux, son côté paralysé s’est mis à se mouvoir sur le plan du lit, puis il est décédé, il a vu le Ciel et il l’a rejoint. C’est le signe que le Seigneur nous a donné pour conforter notre Foi dans sa Résurrection.
Nous partagerons d’autres témoignages dans un prochain article.
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Merci à tous ceux qui ont répondu à l’appel du Seigneur pour le service des plus pauvres à Kabinda. Merci à tous les volontaires venus passer quelques mois ou quelques années : Que Dieu les bénisse en cet anniversaire et les comble de ses bienfaits !