À l’occasion d’enseignements sur la prière, on pose souvent cette question : quelle différence y a-t-il entre l’oraison et l’adoration ?
Deux réalités distinctes
Ce sont deux réalités distinctes, mais qui peuvent aussi coïncider à certains moments. L’oraison est quelque chose de plus large. Elle est, pour reprendre la fameuse expression de Thérèse d’Avila, ce « commerce d’amitié où on s’entretient souvent et intimement avec Celui dont nous savons qu’il nous aime ». Elle est cette forme de prière, personnelle, silencieuse, dans laquelle on exprime et approfondit la relation intime avec Dieu. La pratique de l’oraison peut se faire dans les lieux les plus divers. Même si elle est bien sûr facilitée par ceux qui permettent silence et recueillement. Elle comporte des actes ou des attitudes intérieures très variées : épanchement du cœur devant Dieu, supplique, action de grâce, écoute, méditation, contemplation, etc.
L’adoration, quant à elle, est une des dispositions humaines les plus fondamentales dans la relation à Dieu, que ce soit dans l’oraison silencieuse ou dans d’autres formes de prière personnelle ou communautaire. Au point de départ, c’est un geste : celui de la génuflexion, de la prosternation, en signe de respect et de soumission. « Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit, le troupeau guidé par sa main », dit le Psaume 95.
Dans son sens religieux, l’adoration ne peut s’adresser qu’à Dieu, le Dieu unique et vivant, comme l’Écriture tout entière le proclame avec force. « Dieu seul tu adoreras ! » Malheur à l’homme qui adore autre chose que Dieu, il finira par trouver la mort et la ruine. Heureux au contraire celui qui sait s’agenouiller devant Dieu, il sera capable de tenir debout devant les hommes et de faire face à toutes les tempêtes de la vie.
Ce geste de l’adoration doit bien entendu exprimer une attitude intérieure, déjà présente dans l’Ancien Testament, et qui sera évoquée par Jésus dans le dialogue avec la Samaritaine comme une grâce des temps nouveaux, un don de l’Esprit : « L’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer » (Jn 4, 24).
L’adoration est l’attitude de l’homme qui perçoit sa fragilité et sa petitesse et en même temps l’immensité et la grandeur infinie de Dieu. C’est une attitude paradoxale, faite à la fois de bonheur et de crainte. L’homme est comme confondu, réduit à néant par la perception de la grandeur divine, mais simultanément il est tout heureux de se trouver face à quelque chose qui le dépasse infiniment et dont la beauté et la majesté le fascinent. Il trouve une joie profonde d’avoir quelque chose à admirer et à aimer qui dépasse tout entendement et surpasse toute beauté. Quelque chose qui lui est donné gratuitement et qui est bien plus vaste et splendide que l’œuvre de ses mains.
Les gestes d’adoration
Le geste premier de l’adoration, c’est la prosternation, mais il y a aussi d’autres gestes pour l’exprimer, comme la louange des lèvres, qui doit exprimer celle qui habite le cœur. Il est intéressant de remarquer que, pour l’Écriture, les « lèvres pures » sont celles qui invoquent et louent le Seigneur, tandis que sont impures celles qui s’adressent aux idoles.
Plus l’adoration est profonde, plus les mots se simplifient, deviennent un bref « Louange à Toi » ou « Mon Seigneur et mon Dieu », ou un simple acquiescement : « Amen ! » « En fait, adorer, c’est consentir. C’est laisser Dieu être Dieu » dit le père Cantalamessa.
Parmi les actes d’adoration, un autre geste des lèvres est le baiser, quand il exprime la vénération pour quelque chose ou quelqu’un. On retrouve le sens étymologique du mot adorer dans les langues latines : ad orare, du latin os (bouche) qui signifie proprement porter à la bouche, baiser. Il est touchant de remarquer ceci : adorer, c’est se tenir humblement devant une majesté qui nous dépasse infiniment, mais dont nous pouvons cependant nous approcher, qui se laisse rencontrer, que nous pouvons non seulement vénérer mais aussi aimer et qui peut de plus devenir pour nous une nourriture. Le baiser exprime le désir de se nourrir de l’autre. Adorer, c’est se nourrir de Dieu.
On peut mettre la main sur la bouche pour envoyer un baiser, mais également pour inviter les lèvres à se taire. C’est précisément ce qu’exprime Job à la fin de son expérience : « Moi qui suis si peu de chose, que pourrais-je te répliquer ? Je mets la main sur ma bouche ! » (Jb 40, 4)
En fin de compte, l’acte le plus élevé de l’adoration, c’est le silence. Plus on se rapproche de Dieu, plus les mots se raréfient. Car on sent combien ils sont impuissants à exprimer un mystère que seul le silence peut vraiment honorer.
L’adoration est un grand bien pour l’homme. S’il s’y abaisse, reconnaît sa petitesse, c’est pour être élevé, glorifié. C’est dans l’adoration que l’homme réalise les capacités les plus belles et les plus profondes de sa nature. L’homme trouve une certaine grandeur à agir, transformer le réel. Mais il trouve une gloire bien plus haute à accueillir quelque chose qui le dépasse infiniment. Il peut admirer et contempler une beauté immense qui lui est offerte. Il a été créé pour cela, et c’est son plus grand bonheur.
Adoration eucharistique
Un lieu où bien souvent se conjuguent oraison et adoration, c’est l’adoration eucharistique. Peut-être est-ce un don particulier réservé par le Seigneur pour la fin des temps, à cause du besoin de plus en plus grand de se nourrir et fortifier de la présence eucharistique dans les périodes de grande confusion et de difficiles combats comme actuellement. Bien entendu, on doit être capable de faire oraison partout, de dialoguer intimement avec Dieu dans la nature, dans le train, voire au milieu de la foule. Mais l’adoration eucharistique a pris peu à peu, et aura de plus en plus, une place privilégiée dans la piété de l’Église.
Même si on y vit parfois une certaine pauvreté et sécheresse, l’adoration eucharistique est toujours une grâce pour celui qui adore. C’est une source de vie pour toute l’Église, une manière de hâter pour le monde entier la venue du Royaume. Quand on est privé de toute satisfaction personnelle dans la prière, il faut se contenter d’être comme un cierge. On se consume gratuitement en présence de Dieu. Paradoxalement, rien n’est plus fécond que cette pauvreté acceptée et offerte, face au Dieu de gloire qui se fait si pauvre pour nous.
La Citation
« L’adoration est la perception de la grandeur, de la majesté, de la beauté et en même temps de la bonté de Dieu et de sa présence qui coupe le souffle. C’est une sorte de naufrage dans l’océan sans rivages et sans fonds de la majesté de Dieu. Adorer, selon l’expression de sainte Angèle de Foligno, signifie « se recueillir en unité et s’immerger dans l’abîme infini de Dieu« . » Père Raniero Cantalamessa
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(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).
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