Prier le Notre Père (n°79)

Introduction

« Vous donc, priez ainsi : Notre Père… » (Mt 6,9). Le Notre Père est doté d’une valeur éminente, puisqu’il s’agit de la prière  que  le  Christ  lui-même  nous  a enseignée. Elle colore chacune de nos
journées : convoquée dès le matin pour les laudes, nous la chantons de nouveau à la fin de la journée, lors des vêpres. À chaque messe, elle suit immédiatement la Prière eucharistique, et occupe une place privilégiée dans les autres temps de prière, notamment à l’occasion de la prière du chapelet.

Mais au fait, prionsnous réellement le Notre Père, ou nous contentons-nous de le réciter ? La routine s’installant, nous ne  prêtons  plus  guère  attention  aux paroles que nous prononçons, voire à Celui à qui nous adressons cette prière.

Quelle place le Notre Père tient-il dans notre vie de prière et d’union à Dieu ? Considérons-nous cette prière comme une simple dévotion parmi d’autres, ou lui accordons-nous une place de choix ?

Une prière vocale jaillissant de l’Esprit 

« L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme  il  faut »  (Rm  8,26).  Pourquoi Ses disciples s’attendaient peut-être à ce  qu’il  les  invite  plutôt  à  invoquer l’Esprit Saint et à entrer dans une prière lui demandent de leur apprendre à prier, Jésus a-t-il transmis une prière vocale ? De fait, nous avons souvent tendance à opposer la prière dans l’Esprit à la prière vocale : la pière vocale peut être parfois perçue comme  un  pis-aller,  qu’il  conviendrait pour entrer dans la prière véritable que serait une contemplation sans paroles.

En réalité, le fait que le Seigneur Jésus lui-même, nous ordonne de prier le Notre Père vient déconstruire cette conception.  Cette prière nous est transmise par le Verbe éternel du Père,  qui  demeure  sans  cesse  dans  l’Esprit saint: elle n’est dons en rien une formule à réciter machinalement. On ne peut prier le Notre Père de façon authentique que dans l’Esprit Saint: en effet, seul l’Esprit du Père nous donne d’entrer dans la prière véritable.

 

Une invocation nous rappelant notre identité filiale 

Les premiers mots de la prière témoignent de cette dimension profondément pneumatique du Notre Père. « Notre Père » : cette invocation du Père céleste est le signe que, dans la prière du Notre Père, c’est bien l’Esprit Saint qui prie en nous. En effet, comme l’écrit saint Paul, « voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! » (Ga 4,6 ; voir aussi Rm 8,15). Dieu, qui a voulu faire de nous ses fils, a répandu en nous son Esprit, qui est un Esprit d’adoption. Jésus, le Fils bien-aimé du Père, nous apprend à vivre nous aussi en fils et filles bien-aimés du Père. C’est dans le Fils que nous devenons des fils ; lorsque nous prions le Notre Père, nous le prions avec le Christ et dans le Christ, par l’Esprit. Cette entrée en matière est bien une « entrée en prière ». Elle illustre l’attitude fondamentale qui doit habiter le priant : se tourner avec confiance et amour vers le Père céleste. Nous sommes invités à tourner notre regard et notre cœur vers Celui qui nous a créés, qui nous aime, et que le Fils nous a révélé. Commencer par invoquer le nom du Père, c’est entrer dans un dialogue filial, c’est se remettre en toute confiance entre ses mains. Ainsi, le Catéchisme de l’Église catholique enseigne que « par la Prière du Seigneur, nous sommes révélés à nous-mêmes en même temps que le Père nous est révélé » (CEC n°2783). Le Notre Père nous montre que nous sommes des fils et des filles bien-aimés du Père ; mais il nous dévoile en même temps le mystère insondable de la Paternité de Dieu.

Des demandes qui correspondent au Cœur de Dieu

Après avoir invoqué notre Père du Ciel, nous lui adressons sept demandes. Nous pourrions là aussi nous étonner. Jésus n’affirme-t-il pas plus haut : « votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé » (Mt 6,8) ? Pourquoi exprimer des demandes qu’il connaît déjà ? En fait, le Notre Père nous apprend ce qu’il est bon de demander, et nous forme à la véritable prière d’intercession. Dieu connaît davantage nos besoins et les besoins du monde que nous-mêmes : « Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles » (Rm 8,27). Chaque demande du Notre Père est donc un gémissement, un cri de l’Esprit Saint en nous.
Les trois premières demandes manifestent le désir profond du Christ pour l’Avènement du Règne de son Père : elles nous invitent à élargir notre prière aux dimensions du Cœur du Christ. C’est donc à un vrai décentrement de nous-mêmes que nous sommes appelés ! Certes, depuis la Mort et la Résurrection de Jésus, la volonté du Père s’est réalisée, et son Règne s’est manifesté. Pour autant, nous attendons encore dans l’espérance l’accomplissement définitif de cet Avènement.
Les quatre dernières demandes concernent notre vie ici-bas ; mais elles sont tout sauf des demandes individualistes. En effet, il s’agit d’une prière éminemment ecclésiale : nous ne prions pas en disant « je », mais « nous ». Lorsque je prie, je demande que ce soit chaque membre de l’Église, et plus encore, chaque homme de cette terre, qui obtienne le pain quotidien, le pardon des péchés, la protection face aux tentations et la libération du mal. De plus, ma prière se joint à la prière de l’Église qui prie et intercède pour tous les hommes : elle est celle de toute l’Église.

Dans notre vie d’oraison

En réalité, il nous est tout à fait impossible d’écarter l’Oraison dominicale de notre vie d’oraison et d’union à Dieu. Ce n’est certes pas la récitation mécanique du Notre Père qui peut nous faire entrer dans la prière : mais c’est bien plutôt l’élan du cœur que l’Esprit Saint suscite en nous et par lequel nous nous adressons au Père. La Madre écrit à ce sujet : « Si dans l’espace d’une heure nous ne disons qu’une fois le Pater, c’est assez pourvu que nous sachions ce que nous lui demandons, quel désir il a de nous exaucer, et quel plaisir il a de se trouver avec nous ; il n’aime pas que nous nous rompions la tête à lui adresser de longs discours » (Chemin de perfection, chapitre 29,6). À l’école de sainte Thérèse d’Avila, reprenons avec joie la prière que le Christ nous a enseignée : prions le Notre Père dans l’Esprit Saint, en nous tournant avec confiance avec le Christ vers le Père !

 

La citation

« Quelques fois, lorsque mon esprit est dans une si grande sècheresse qu’il m’est impos- sible d’en tirer une pensée pour m’unir au Bon Dieu, je récite très lentement un Notre Père et puis la salutation angélique : alors ces prières me ravissent, elles nourrissent mon âme bien plus que si je les avais récitées précipitamment une
centaine de fois. »

Petite Thérèse

 

Pour aller plus loin…

  • Rien que pour aujourd’hui
    Je peux décider de commencer mon temps d’oraison par le Notre Père, en prenant soin de m’arrêter sur chaque partie.
    Je demande à l’Esprit Saint de me faire entrer dans un vrai dialogue filial avec mon Père du Ciel.
    Lectures
    – Catéchisme de l’Église catholique, quatrième partie, deuxième section.
    – Le chemin de perfection, Thérèse d’Avila, en particulier les chapitres 27 à 42.
    – Lire le Notre Père avec les Pères, Daniel Vigne, Éditions Parole et Silence.
    – Le commentaire du Sermon sur la montagne par saint Augustin et la morale de saint Thomas, Pinckaers Servais, dans Revue d’éthique et de théologie morale, n°253

Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
Textes écrits par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes et édités aux Éditions des Béatitudes – ©droits réservés

Laurent Deroux

Laurent est marié et père de famille. Avec son épouse Agnieszka, ils sont engagés à vie dans notre foyer de Thy-le-Château (Belgique).

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