L’humanité de Jésus (n°80)

Introduction

Les conférenciers actuels et influen- ceurs de réseaux sociaux utilisent souvent une méthode : témoigner de leur expérience personnelle. Rien de plus parlant qu’un vécu, une histoire concrète. Pourquoi ? Parce que notre humanité devient de plus en plus semblable à celle de Thomas : « Si je ne vois pas, je ne crois pas ».
À force d’être bombardés de nouvelles et de contre-nouvelles, de vérités et de demi-mensonges, nous en arrivons à un point où plus rien n’a de sens si cela ne passe par nos propres yeux, nos mains, nos « tripes ». Et c’est justement là que Jésus nous rejoint ! En devenant homme, Jésus ne fait pas semblant. Il choisit de vivre réellement ce que nous vivons. Il nous dit, par sa vie entière : Vous êtes capables de vivre la vie que Dieu vous propose. Il traverse l’épreuve, la tentation, la fatigue, la douleur – et il nous montre que si lui a pu le faire en tant qu’homme, nous aussi, nous le pouvons, par sa force en nous. Il fait tomber cet argument facile : Il a réussi parce qu’il est Dieu. Non. Jésus, homme, dit : « Vous ferez les choses que je fais… et même de plus grandes encore » (Jn 14,12). En effet, « Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses ; au contraire, il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché » (Hb 4,15). Et s’il a été tenté comme nous, c’est parce qu’il avait un corps comme nous, pleinement humain, même si porté par l’Esprit.

Les émotions de Jésus

Jésus n’est pas un Dieu distant, figé, froid. Il est ému, il pleure, il ressent, il aime. Il ne cache pas ses émotions : il les habite pleinement, et il les offre comme langage de l’amour. « Voyant la foule il fut ému de compassion pour elle, car elle était fatiguée et abattue, comme des brebis sans berger » (Mt 9,36).
Il verse des larmes sur son ami Lazare et devant la souffrance de sa sœur : « Jésus pleura » (Jn 11,35). C’est sans doute un des versets les plus courts et les plus puissants. Quand il voit Marie pleurer la mort de son frère, Jésus est profondément bouleversé. Il partage la peine de ses amis, bien qu’il sache qu’il va ressusciter Lazare. Il ne survole pas la souffrance humaine avec distance : il entre dedans, il la ressent, il compatit. Il ne cache pas ses larmes. Il vit le deuil comme tout homme. Il pleure aussi sur Jérusalem, bouleversé par l’incrédulité de son peuple et par la souffrance à venir : « Quand il approcha de la ville et qu’il la vit, il pleura sur elle » (Lc 19,41- 44).
Il se met en colère contre l’hypocrisie des pharisiens et l’injustice. Il renverse les tables du Temple, non pas par haine, mais par zèle et amour pour la maison de son Père.
Il rayonne la joie. Il en parle sans cesse dans ses paraboles. Il rit, il aime les fêtes avec les amis. Et à Gethsémani, il est saisi d’angoisse au point de dire : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » (Mt 26,38).
Jésus est pleinement homme. En lui, Dieu manifeste ses émotions. Il nous montre que la vulnérabilité émotion- nelle n’est pas faiblesse, mais lieu de communion avec Dieu et les autres.

 

Les cinq sens… et un sixième

Jésus voit, entend, touche, goûte, sent parce qu’il est incarné, pleinement. Chacun de ses sens devient un chemin de rencontre.
La vue : « Il vit la foule et fut ému de compassion » (Mt 9,36).
L’ouïe : Il entend les cris de Bartimée, les soupirs de la femme hémorroïsse. L’odorat : Il sent le parfum du nard répandu sur ses pieds.
Le goût : Il goûte le vin à Cana, le pain partagé à la table, le vinaigre amer sur la croix.
Le toucher : Il touche les lépreux, les aveugles, les enfants. Il se laisse toucher par les malades.

Et son sixième sens : cette capacité à pressentir, percevoir, ressentir intérieurement ce que vivent les autres. Une intelligence du cœur. Une écoute de l’invisible. Une sensibilité à la souffrance cachée ; ce qu’on appellerait de nos jours, l’intelligence sociale, qui le connectait pleinement aux autres.
Jésus n’a jamais fait semblant d’être humain. Il n’a pas joué le rôle d’un ascète inaccessible. Il a vécu parmi, avec, au milieu. Il sentait la faim d’amour, détectait la détresse silencieuse, lisait les regards de ceux qui n’osaient rien dire. Et il y répondait…

Les besoins de Jésus

Après avoir invoqué notre Père du Ciel, nous lui adressons sept demandes. Nous pourrions là aussi nous étonner. Jésus n’affirme-t-il pas plus haut : « votre Père sait de quoi vous avez besoin, Quand Jésus rencontre la Samaritaine, il est fatigué, il a soif. Il s’assoit simplement au bord du puits et demande de l’eau. C’est une rencontre ordinaire, humaine, née du besoin : son besoin d’eau, et le besoin d’amour et de reconnaissance chez la Samaritaine qu’il va combler immédiatement.
Juste avant sa passion, Jésus dit à ses disciples : « Restez ici, veillez avec moi » (Mt 26,38). Il est angoissé, il a peur, il prie avec intensité. Il aurait pu faire face seul, mais il recherche la présence de ses amis.
Jésus n’a jamais fui la condition humaine. Il ne l’a pas enjolivée. Il l’a vécue avec vérité. Il a eu besoin de boire, de manger, de dormir, d’être réconforté. Il a ressenti la fatigue, la douleur, l’épuisement, la faim, la soif. Il a accepté ces limites, sans les fuir, sans les nier.
C’est précisément dans cette fragilité assumée que sa divinité se révèle avec le plus de force. Non pas en faisant l’économie de l’humain, mais en l’embrassant totalement.

La souffrance de Jésus

En devenant homme, Jésus a choisi de partager nos joies, mais aussi nos blessures. Dans le royaume de Dieu, il n’y a ni deuil, ni cri, ni douleur (cf. Ap 21,4) et ce n’est qu’en devenant pleinement humain que Jésus a pu vivre cette souffrance, jusqu’à sa propre mort, pour nous sauver de notre propre mort. C’est ainsi qu’il a pu offrir une rédemption réelle à l’humanité. Pas par fatalisme, mais par amour.
En vivant lui-même la souffrance jusqu’au bout – le rejet, la trahison, l’injustice, l’agonie, la mort ; le cri d’abandon sur la croix, le scandale, l’incompréhension – il a rejoint tous nos cris. Il a validé nos luttes humaines, sanctifié nos douleurs et a ouvert un chemin de vie à travers elles.
Un amour qui voit, qui entend, qui pleure, qui rit, qui touche, qui guérit… qui sent, pressent, perçoit et qui sauve, non pas de loin, mais au cœur même de notre humanité fragile.

 

La citation

« Il a eu faim, il a eu soif, il a eu sommeil. Il a marché, il s’est fatigué. Jésus, c’est Dieu avec des cernes sous les yeux. »

Madeleine Delbrêl

 

Pour aller plus loin…

  • Rien que pour aujourd’hui
    – Quel aspect de l’humanité de Jésus me touche particulièrement aujourd’hui ? Je peux prendre un temps de prière pour l’accueillir en profondeur.
    – Y a-t-il un besoin, une émotion, un cri de ma propre humanité que je désire confier à Jésus ?

 

  • Lectures
    – Vie, sainte Thérèse d’Avila, chapitre 22.
    – Le château intérieur, sainte Thérèse d’Avila, Sixièmes Demeures, chapitre 7.
    – Jésus de Nazareth, pape Benoît XVI.
    – Les cinq langages de l’amour, Gary Chapman, Édition de Poche.
    Ce livre explore les différentes manières dont les êtres humains expriment et reçoivent l’amour, concrètement. Les paroles valorisantes, les moments de qualité, les cadeaux, les services rendus, le toucher physique sont des langages que Jésus a utilisés pour nous montrer que l’amour, pour être vrai, doit être incarné. Il nous rejoint dans notre langage, pour nous apprendre
    à aimer comme lui : de tout cœur, avec tout
    notre être.

 

 

Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
Textes écrits par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes et édités aux Éditions des Béatitudes – ©droits réservés

Oraison

Ces articles sur la vie d'oraison sont extraits du bulletin mensuel "Il est là !" publié à l'usage des membres de la Communauté des Béatitudes et de leurs amis. Il est rédigé par un collectif de laïcs, prêtres, frères et sœurs consacrés, membres de la Communauté, avec le désir de stimuler la vie de prière, essentielle à la vocation aux Béatitudes comme à toute vie chrétienne authentique... C'est pourquoi nous sommes heureux de vous partager ces contenus simples.

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