Les icônes, une grâce (n°77)

Introduction

Chez les orthodoxes, l’icône est un équivalent du message évangélique, un objet cultuel qui fait partie intégrante de la vie liturgique. L’Église catholique en donne une définition assez proche : « L’iconographie chrétienne transcrit par l’image le message évangélique que l’Écriture sainte transmet par la parole. Image et parole s’éclairent mutuellement » (CEC n° 1160). Par ailleurs, toutes les icônes sont christologiques. Sans l’incarnation, il n’y a pas d’icône.

Dès le début de notre Communauté, elles font partie du patrimoine en lien très fort avec notre vocation eschatologique :  montrer le ciel, le faire désirer, le rendre présent aujourd’hui… Nous sommes parfois à peine conscients de leur apport si précieux. Ceux qui nous visitent savent bien nous le renvoyer en nous témoignant parfois qu’ils se croient au Ciel dans nos chapelles.

Et nous-mêmes, quelle expérience faisons-nous de ces icônes ? Sommes-nous en compagnie de ceux qu’elles nous présentent ? Nous aident-elles à prier, à toucher le Ciel ?

Le contexte

Même si ce sont les yeux du cœur, de la foi, qui voient le Seigneur, nous prions aussi avec notre corps, nos sens. Les icônes nous sont d’un précieux apport.

– Regarder une icône nous offre un lieu de rencontre avec le mystère du Dieu invisible. Il ne s’agit pas d’une adoration, qui est réservée à Dieu seul. « Les icônes font l’objet d’une vénération qui s’adresse au prototype c’est-à-dire à la personne représentée » (Nicée II).

– La descente dans le cœur peut être favorisée par la contemplation d’une icône et nous sortir de la réflexion intellectuelle ou du « vagabondage cérébral ». C’est alors comme le pendant visuel de la rumination amoureuse de la Parole qui est aussi un moyen pour revenir à Dieu.

– Dans l’oraison, nous sommes invités à revenir sans cesse à l’humanité du Christ. L’icône peut nous aider à cela. Regarder l’icône du Christ nous met en présence de sa vie terrestre, du Dieu incarné.

– L’icône peut aussi aider à « considérer » qui est là devant nous et qui nous sommes, à qui nous nous adressons en priant. Cette considération est le tout début de la prière comme nous l’enseigne Thérèse d’Avila.

– L’icône nous aide dans cet « élan du cœur » vers le Seigneur : « On est incité en les contemplant (Christ, Vierge, Saints) à se rappeler les prototypes. On acquiert plus d’amour pour eux et on est incité à leur attribuer la vénération » (Nicée II).

L’icône nous ouvre une « fenêtre sur le Ciel »

Chez les orthodoxes, le culte des icônes serait dans un certain sens « un début de la vision de Dieu ». À la communauté, nous avons peut-être fait cette expérience de la proximité du Ciel en nous retrouvant à la Toussaint devant la foule immense des saints figurés sur de nombreuses petites icônes… Le Royaume est là, présent au milieu de nous ! Comment l’icône nous donne-t-elle cette ouverture sur le ciel ?

Tout d’abord, elle représente des personnes totalement unies à Dieu, transfigurées par la grâce. Il y a toujours au centre de l’icône un ou plusieurs personnages : le Christ, la Mère de Dieu ou les saints (représentés seuls ou en compagnie).

Le cadre est comme une fenêtre sur un autre monde : le monde divin. L’icône nous permet d’entrer dans l’autre monde en esprit et permet au Christ, à la Vierge, aux saints et aux anges de nous visiter.

Tout est pénétré par la grâce. Les visages et les corps sont dépourvus de tous les traits relatifs à la nature déchue, des passions, de la sensualité, de la corruption. Ils préfigurent ce que seront les corps glorifiés après la résurrection de la chair. La sanctification du corps se communique même au vêtement. Tout est unifié, ramené à une harmonie suprême : corps, cheveux, vêtement et tout ce qui entoure la personne.

Tout semble un peu statique et nous introduit ainsi dans un monde qui n’est plus soumis aux vicissitudes du monde terrestre mais plongé dans une grande stabilité, uni à Dieu. Parfois les objets flottent dans l’air, échappant à la loi de la pesanteur. Les personnages peuvent être très allongés, comme tendus vers le Ciel. Le regard témoigne de la paix céleste, du détachement, de la pureté, de l’humilité, de la douceur. Leur joie est toute intérieure. La lumière divine en laquelle ils sont immergés est représentée symboliquement par le fond en or, matière incorruptible.

Invitation à la sainteté

L’icône est elle-même prière. C’est une voie à suivre et un moyen qui « aide l’âme à s’élever par mimétisme » (Nicée II). Elle permet d’entrer en relation avec la personne représentée et de recevoir la grâce dont elle est porteuse. Elle permet aussi de raviver notre désir de cette beauté intérieure : la ressemblance divine acquise par l’homme dont la source est l’Esprit Saint. Une icône peut faire son travail même si elle n’est pas techniquement parfaite. Inverse-ment, une icône peut être parfaite, mais être sans vie…
« Cette contemplation sanctifie notre vue et par là notre âme » (St Jean Damascène). L’icône est écrite dans la prière et pour la prière. Elle travaille dans l’âme de la personne qui l’écrit et de celle qui prie devant. Elle invite à l’imitation et donc à la transfiguration de notre être. Le centre de l’icône est la lumière. Les ombres n’existent pas puisque tout est comme produit par la lumière et non éclairé par une source de lumière extérieure. Les visages sont peints en partant des couleurs les plus sombres jusqu’aux couleurs les plus claires, avec une signification théologique précise : l’apparition des traits suit une progression qui reproduit le chemin de l’homme vers la « nouvelle créature », la créature à la lumière de Dieu.

Conclusion

L’icône montre le corps « spirituel », c’est-à-dire les conséquences dans la chair de l’Incarnation du Christ. Quand nous prions devant une icône, la beauté réveille en nous la nostalgie de ce pour quoi nous sommes créés et par là même stimule notre intercession pour nous-mêmes et nos contemporains.

Contempler la Sainte Trinité

Roublev était disciple de Saint Serge qui indiquait de contempler la Sainte Trinité pour vaincre la division odieuse du monde.

  1. En faisant le signe de la croix, je regarde l’ange qui figure le Père à gauche, puis le Fils au centre et l’Esprit Saint à droite. Je me mets en leur présence.
  2. Je regarde les mouvements, expressions de l’un vers l’autre et même de l’arbre, et la montagne qui s’abaisse vers le Père. Je m’émeus de cette communion, de cette harmonie.
  3. Je prends conscience de ce qui en moi et autour de moi est divisé et je le leur offre.
  4. Je contemple à nouveau cette scène qui est comme une assemblée autour du Sacrifice.
  5. Je rends grâce pour la Trinité présente en moi et hors de moi, pour mon désir de communion réveillé. Je laisse cette communion m’envahir, se répandre dans le monde.

 

La citation

«Nous ne contemplons pas comme des spectateurs inactifs, mais nous présentons notre âme au visage lumineux de Jésus-Christ, comme un miroir pour recevoir Sa lumière. » (Leonide Ouspensky)

 

Pour aller plus loin…

Lectures

  • La théologie de l’icône, Léonide Ouspensky, Cerf.
  • L’iconographe et l’artiste, Jean-Claude Larchet, Cerf.

Vidéos

Stages d’icônes

  • Sœur Marie-Véronique propose des stages chaque mois à Lisieux : atelierstseraphim.com
  • Giancarlo Pellegrini enseigne en Italie, Espagne, France (Paris, Nice, Lourdes) et en Suisse (dans notre foyer de Venthône) : g.pellegrini@iconografia.com

Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
Textes écrits par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes et édités aux Éditions des Béatitudes – ©droits réservés

Oraison

Ces articles sur la vie d'oraison sont extraits du bulletin mensuel "Il est là !" publié à l'usage des membres de la Communauté des Béatitudes et de leurs amis. Il est rédigé par un collectif de laïcs, prêtres, frères et sœurs consacrés, membres de la Communauté, avec le désir de stimuler la vie de prière, essentielle à la vocation aux Béatitudes comme à toute vie chrétienne authentique... C'est pourquoi nous sommes heureux de vous partager ces contenus simples.

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