En cette Solennité de la Fête-Dieu, prenons le temps d’adorer Jésus dans le Saint-Sacrement en méditant l’hymne eucharistique du Adora Te devote écrit par Saint Thomas d’Aquin. Frère Franziskus-Maria de la Communauté des Béatitudes l’a mis en musique pour rendre gloire à Dieu. Ayant fait des études au conservatoire de Karlsruhe (Allemagne) avant d’entrer à la Communauté, il désire plus que tout se mettre au service de la « beauté cachée » de Dieu. Depuis quelques années il met son talent de compositeur au service de la liturgie de la Communauté.
Priez avec nous l’Adora Te devote et découvrez son compositeur qui a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions.
Adora Te devote
Composition musicale du Fr. Franziskus-Maria
Hymne eucharistique écrite par Saint Thomas d’Aquin, XIIIème s.
Retrouvez-en le texte au bas de cet article.
Frère Fanziskus-Maria, est-ce que la musique a toujours été importante pour toi ?
Elle est entrée progressivement dans ma vie. Avec mes 3 frères et sœurs, nous avons pu apprendre le piano. Au début, sur un piano loué, dans l’atelier de mon père. Nos parents voulaient d’abord voir si nous allions persévérer.
Avez-vous persévéré ?
Oui. Un professeur nous a particulièrement aidés. Il nous a aussi accompagnés humainement. Il nous a fait découvrir un nouveau monde. J’ai ainsi pu assister à un concert de la pianiste Yvonne Loriod. Son mari, le compositeur Olivier Messiaen, était assis juste devant moi et écoutait sa femme. Un moment inoubliable !
Est-ce que ça a été dur d’arrêter la musique lorsque tu es entré à la Communauté ?
Non, pas vraiment. Je voulais surtout enseigner, à l’instar de mon ancien professeur. Il est d’ailleurs devenu mon conseiller lorsque la question de la communauté s’est posée pour moi. Cela lui a coûté de ma laisser partir – mais ça, il ne me l’a dit que plus tard.
Quel est le lien entre musique et prière pour toi ?
Les mots seuls ne suffisent pas toujours pour prier. Je me souviens d’un hymne de mon enfance : « Chante, terre, ta louange, qu’elle résonne haut et fort ! » Là, je chantais de toutes mes forces. L’impression qui m’en est restée va bien au-delà des mots…
Comment as-tu commencé à composer ? Est-ce quelque chose que tu as toujours fait ?
Mon frère pouvait passer des heures à improviser au piano. Moi aussi j’ai essayé plus d’une fois, mais en vain. L’accès à ma voix intérieure me restait fermé.
Comment as-tu appris à l’écouter ?
Grâce aux psaumes. De la même manière qu’avant, je pouvais mettre toute mon âme dans l’exécution d’une sonate de Beethoven, j’ai un jour essayé d’habiller de musique les paroles des psaumes.
Comment naît très concrètement une nouvelle composition ?
Le choix du texte est important. Je me demande par exemple : quels mots conviendraient pour un refrain ? Quel caractère ont les mots ? Qu’est-ce qu’ils expriment ? J’essaye d’y « répondre avec des tons ». De fait, les tons ont un corps, un « corps sonore » – même si on ne le voit pas – sinon on ne pourrait pas les entendre. L’Esprit Saint est également à l’œuvre ici. Je lui fais confiance pour me rappeler tout ce qu’il veut. Souvent aussi je tourne mon regard vers Marie et lui demande la grâce de « composer en elle… ». Ensuite, je laisse tout cela grandir.
Enfin, un autre aspect entre en jeu : la communauté. Entre compositeurs, nous nous encourageons et corrigeons mutuellement. Qu’est-ce qui pourrait être amélioré ou simplifié au niveau de la langue, de la musique ? Ensuite, ce qui est important, c’est le chant communautaire. Est-ce que nous nous retrouvons dans ces chants en tant que communauté ? Comment ces chants sont-ils accueillis dans le cœur des croyants ?
Combien de temps te faut-il pour composer un nouveau chant, comme par exemple « Adoro te devote » ?
Chaque morceau est différent. Adoro te dévote est né en quelques jours. Pour Les œuvres de miséricorde par exemple il a fallu plus de temps. Il y a eu de nombreux changements, ce qui a mis la patience des frères et sœurs à rude épreuve.
Quels sont tes sources ou thèmes préférés ?
La tradition juive et la tradition de l’Orient sont des sources précieuses, de même que les anciens hymnes de l’Eglise. Depuis quelques années, j’ai aussi la chance de travailler avec la troupe de théâtre d’un festival de jeunes. C’est étonnant ce qui la musique peut exprimer même sans paroles.
Quelle est la place de la musique et de l’art à la Communauté des Béatitudes ?
En tant qu’artistes, nous avons reçu une mission de la part de la Communauté. Dans le livre de l’Exode, on peut lire que « le Seigneur a appelé par son nom » chacun des artistes qui participent à la construction de la Tente de la Rencontre (cf. Ex 35,30). De la même manière, dans l’Eglise, nous sommes au service de la « beauté cachée » de Dieu, comme l’écrit Benoît XVI. Il nous est donné de la rendre visible et audible. De fait, c’est Dieu lui-même qui est la plus belle communion ! Celui qui découvre sa beauté veut la faire découvrir aux autres.
Adora Te Devote
Je t’adore dévotement, Dieu caché
Qui sous ces apparences vraiment prends corps,
À Toi, mon cœur tout entier se soumet
Parce qu’à te contempler, tout entier il s’abandonne.
La vue, le goût, le toucher, en toi font ici défaut,
Mais t’écouter seulement fonde la certitude de foi.
Je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu,
Il n’est rien de plus vrai que cette Parole de vérité.
Sur la croix, se cachait ta seule divinité,
Mais ici, en même temps, se cache aussi ton humanité.
Toutes les deux, cependant, je les crois et les confesse,
Je demande ce qu’a demandé le larron pénitent.
Hymne eucharistique composé par Saint Thomas d’Aquin, XIIIème s.