La question des abus dans l’Eglise et les communautés s’est révélée un thème brûlant d’actualité tout au long de l’année écoulée. Dans ce contexte, il a semblé bon aux membres du conseil général de la Communauté des Béatitudes de réfléchir sur ce sujet. Une journée de formation sur cette question s’est donc déroulée le 12 juin dernier à Blagnac.
Le focus médiatique mettant en lumière de dramatiques abus de pouvoir, souvent abus spirituels ayant conduit à des abus sexuels dans des diocèses ou des communautés a été l’occasion pour toute l’Eglise, les fidèles, les prêtres et évêques et les communautés de réfléchir à cette question.
Le 20 août 2018, le Pape François écrivait ainsi une Lettre au peuple de Dieu, dans laquelle il déclarait : « il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin. Une telle transformation nécessite la conversion personnelle et communautaire et nous pousse à regarder dans la même direction que celle indiquée par le Seigneur. (…) J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne, conformément au commandement du Seigneur, pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du « jamais plus » à tout type et forme d’abus. »
La Communauté des Béatitudes ayant connu dans le passé plusieurs cas d’abus, s’est laissée interpeller par cette actualité et par les appels du Pape et a souhaité jeter un regard sur ce passé pour réfléchir à nouveau, à la lumière de cette actualité, aux processus qui avaient rendu possibles ces abus. Elle a aussi commencé à évaluer tout ce qui a été mis en oeuvre en son sein ces dix dernières années pour éviter que de telles situations puissent jamais se reproduire.
C’est dans ce cadre que les membres du gouvernement de la Communauté ont vécu une journée de formation sur ce thème des abus. Cette formation était donnée par le Dr Katharina Westerhorstmann, Allemande originaire de Delbrück. Docteur en théologie à Paderborn, elle enseigne à l’Université de Bonn. Elle est engagée dans un travail de recherche sur ce sujet délicat des abus dans l’Eglise. L’invitation à cette formation avait été faite aux coordinateurs, responsables des maisons de la Communauté, et aux régionaux de la Communauté. Quelques frères et sœurs ont ainsi pu se joindre aux membres du conseil général.
Katharina Westerhorstmann a d’abord évoqué « la stratégie d’Hérode » en partant de la figure d’Hérode lorsque les rois mages viennent l’interroger. Lorsque quelqu’un a beaucoup de pouvoir légitime, il est vulnérable quand son pouvoir est remis en question. Il a alors deux possibilités : défendre son pouvoir comme Hérode ou accepter de remettre son pouvoir avec confiance, accepter que quelqu’un puisse avoir un regard sur sa vie. Cette stratégie d’Hérode est malheureusement très fréquente dans l’Eglise et les communautés autour de la question des abus sexuels.
Ensuite Katharina a développé le thème de la vulnérabilité qui fait qu’une personne va être plus fragile devant les abus. Elle distinguait la vulnérabilité universelle liée à notre condition humaine de la vulnérabilité circonstancielle qui dépend de toutes ces situations qui rendent possible de blesser quelqu’un (faim, froid, extrême pauvreté, conflit familial, tensions relationnelles). Il faut savoir reconnaître ces circonstances qui augmentent la vulnérabilité et s’engager pour que ces circonstances puissent diminuer ou disparaître.
Elle distinguait ensuite la « vulnérabilisation » qui consiste à rendre explicitement une personne plus vulnérable : convaincre une personne de pauvreté, lui inculquer des scrupules. Il y a la vulnérabilité humaine universelle, mais on y ajoute une vulnérabilité supplémentaire : c’est le cas des abus spirituels.
La « justice protectrice » va chercher à protéger les personnes dans leur vulnérabilité : les protéger des circonstances qui peuvent les rendre plus vulnérables, protéger les possibles victimes des possibles abuseurs, protéger les personnalités risquant de devenir abuseurs.
Pour cela, Katharina a balayé de manière systématique les orientations problématiques d’un groupe ou d’une communauté comme le légalisme, l’élitisme, l’arbitraire dans les décisions, etc. Puis les différents types d’abus de pouvoir, de domination et enfin les différents types d’exigence de silence ou non-dit (ordre de taire les problèmes de la Communauté, interdiction de critiquer, règles tacites, etc.)
Elle finissait en développant ce thème de la justice protectrice avant de proposer un temps de questions-réponses.
Une journée très enrichissante pour chaque participant qui a pu s’interroger sur sa propre manière d’exercer une responsabilité et regarder aussi d’un œil nouveau la vie communautaire de nos foyers et toutes les attentions qu’elle suppose. Les notes et enregistrements de cette formation ont été partagés à tous les membres engagés de la Communauté. Une étape parmi d’autres dans ce processus de relecture du passé et d’engagement vers une vie fraternelle toujours plus évangélique.