À propos du film « Les éblouis » – Communiqué du 30 novembre 2019

Le 20 novembre 2019, est sorti en salle le film Les éblouis, premier long-métrage de la comédienne Sarah Suco en tant que réalisatrice. Un film racontant l’histoire tragique d’une famille victime des dérives sectaires d’une communauté catholique charismatique.

Ce film est une fiction mais sa réalisatrice Sarah Suco le présente comme étant en partie autobiographique, puisqu’elle a vécu dix années de son enfance dans une communauté catholique charismatique. Il a donc pour point de départ le passé douloureux de la réalisatrice elle-même. Mais, en même temps, il se veut, pour celle-ci qui s’est beaucoup documentée sur le sujet, un « film de combat »[1] contre les dérives sectaires. En cela, il est très réussi, montrant les mécanismes subtils d’une emprise sectaire, les glissements progressifs vers un embrigadement dans lesquels une communauté, comme un groupe sectaire, peut entraîner des victimes.

Sarah Suco et sa famille n’ont jamais vécu dans la Communauté des Béatitudes.

Avant de réfléchir sur différents aspects de ce film, et puisque la Communauté des Béatitudes est la seule communauté citée par la réalisatrice dans les articles qui commentent ce film, il est important de préciser que Sarah Suco et sa famille n’ont jamais vécu à la Communauté des Béatitudes.

Un outil pédagogique pour prévenir les abus et dérives

Le film dénonce les mécanismes d’une emprise sectaire, qu’elle soit religieuse ou non. Ainsi on y trouve la figure du « berger » qui ressemble à un « gourou » imposant son autorité à tous les membres, et les privant peu à peu de leur liberté de jugement, de leur autonomie familiale, de leur responsabilité parentale : il s’immisce dans l’éducation des enfants jusqu’à la diriger par l’intermédiaire des parents soumis. Ces abus de pouvoir conduisent les parents à démissionner petit à petit de leur rôle, abandonnant les enfants à eux-mêmes. Ceux-ci sont visiblement considérés comme membres, portant une tenue communautaire, devant se soumettre aux mêmes obligations de prière et rituels. Les membres sont isolés de leur famille de laquelle le « berger » réussit à les couper. Cela se fait en particulier à travers une pratique psychologique très grave de faux souvenirs induits. On y trouve aussi humiliations et vexations des membres, coupure avec l’extérieur et vision manichéenne du monde. Ces abus de pouvoir conduisent ici, à des abus de conscience, puis des abus sexuels, drame sur lequel s’achève le film.

Et puis il y a les dérives plus caractéristiques d’un groupe religieux, dont la plus significative est une spiritualisation systématique grave : on compte exclusivement sur la grâce de Dieu et sa providence, adultes et enfants doivent demander pardon sans cesse et en public, il faut prier et jeûner pour s’amender. Le prêtre-gourou reçoit, seul, de Dieu ce qui est bon pour la communauté et ses membres. Il manipule la Parole de Dieu pour lui faire dire ce qu’il veut, la déforme.

Ce film montre ainsi un condensé de déviances qui tournent au cauchemar et décrit bien, dans un enchaînement oppressant, la progression subtile de l’emprise sectaire.

Le piège du mélange entre fiction et autobiographie…

Comme dénonciation des dérives sectaires, le film est donc assez réussi. Cependant, ayant pour cadre une communauté nouvelle catholique résidentielle et semblant se dérouler à notre époque, il laisse entendre que de telles dérives ont lieu aujourd’hui encore dans ce type de communauté. Très documenté, le film prend soin de mêler des éléments de ressemblance très frappants avec plusieurs d’entre elles : chants bien connus, icônes, tenues, danses, etc.

Mais en même temps, ce film raconté « à hauteur d’enfant » et basé sur les souvenirs d’une adolescente blessée, tombe bien souvent dans la caricature (comme les bêlements de ces membres). Ainsi toute personne ayant fréquenté l’une ou l’autre des communautés nouvelles catholiques, verra dans ce film beaucoup de ressemblances avec ce qu’elle en connaît, mais des ressemblances ambigües, voire trompeuses, car vérité et fiction y sont mêlées.

Un film autobiographique est par définition subjectif car il fait appel à des souvenirs réels ou induits mêlés des sentiments et, ou ressentiments de l’auteur. En y ajoutant des éléments de fiction, l’objectivité est un peu plus dénaturée. Le mélange des genres entre autobiographie, fiction et militantisme est toujours piégé et c’est bien ce qui se vérifie dans ce film. On y trouve une distorsion de la réalité qui manipule à son insu le spectateur qui n’a pas les moyens de faire la part des choses et de dissocier le vrai du faux.

Malheureusement, cette confusion largement entretenue dans la promotion du film porte le discrédit sur toutes les communautés nouvelles et le Renouveau charismatique, et à travers eux, sur l’Église qui laisserait de graves dérives se produire en son sein. Or, si certaines communautés nouvelles ont pu être concernées par des dysfonctionnements ou des déviances, elles ont, depuis longtemps, et justement grâce à l’accompagnement de l’Église, mené des réformes en profondeur.

Qu’en est-il des familles dans la Communauté des Béatitudes ?

Fondée en 1973 par des couples, la Communauté des Béatitudes a, dès ses débuts, rassemblé des couples et des célibataires parmi lesquels certains ont reçu l’appel au sacerdoce ou à la vie consacrée. Jusqu’au début des années 90, la communauté a cherché à donner la juste place à chaque état de vie en son sein. Durant cette phase, certains dysfonctionnements ont eu lieu, qui ont été corrigés au fur et à mesure. En 2007, le Saint Siège, par le biais du Conseil Pontifical pour les Laïcs confirmait ce processus en rappelant « que la famille est une entité souveraine et une église domestique, que toute famille a des droits et des devoirs précis devant l’Église et devant la société civile » et que pour cette raison, « les familles ne peuvent pas adopter un genre de vie communautaire du même ordre que les personnes célibataires ».

Toutes ces orientations ont permis aux familles, (plus exactement aux couples puisque les enfants ne sont pas considérés comme membres de la communauté), de trouver leur place, pour vivre de manière adaptée, leur appel à la Communauté des Béatitudes. La mise en place des nouveaux Statuts de la communauté en 2011 a permis d’aller encore plus loin dans l’autonomie des laïcs, qui ont eux-mêmes leur propre Statuts.

Aujourd’hui, un couple qui s’engage dans la Communauté des Béatitudes vit une totale autonomie à tous les niveaux : finances, travail, logement et vie de famille.

En conclusion

Ce film a le grand mérite de montrer des mécanismes d’embrigadement qu’il faut pouvoir déceler dans la réalité pour les dénoncer et protéger les victimes potentielles. Dans l’Église catholique, une Cellule des dérives sectaires a été mise en place en 2013 par la Conférence des évêques de France. Celle-ci a établi une liste de critères de discernement permettant d’identifier des dérives sectaires au sein d’institutions ecclésiales : elle est mise à disposition sur le site de la conférence épiscopale. Toute personne se sentant victime ou désirant alerter l’autorité ecclésiale sur des abus constatés peut contacter cette cellule. Sans doute est-ce important de le faire savoir davantage. Une vigilance de tous, dans l’Église comme dans la société civile, est requise.

Pour autant, il faut bien se garder de tout amalgame qui condamnerait, sous ce prétexte, des « communautés nouvelles » qui vivent l’Évangile au quotidien, et s’engagent de mille manières pour témoigner de l’amour du Christ pour tout homme, en particulier les plus petits.

[1] Cf. Entretien avec Sarah Suco dans le dossier de presse du film.


Lire aussi : 

Un éclairage de la Communauté de l’Emmanuel sur le film : lire ici.
Liste de critères de dérives sectaires au sein d’institutions ecclésiales : lire ici.

 

Sœur Laetitia du Cœur de Jésus

Entrée à la Communauté des Béatitudes en 1998, sœur Laetitia est actuellement à la maison générale, à Blagnac, au service du secrétariat général et de la communication de la grande Communauté.

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