« Chacun prendra au minimum une fois par mois une journée de désert, » pouvons-nous lire dans les statuts de la Communauté des Béatitudes. Dans notre vie quotidienne tissée de relations et de rencontres, pourquoi et comment peut se vivre cette journée de solitude et de silence ?
Dieu, qui a fait cheminer son peuple au désert, nous y invite : « Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2, 16) Et Jésus dit à ses disciples : « Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte et prie ton Père qui est là dans le secret, et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Mt 6, 6) Et la petite Thérèse : « À des amants, il faut la solitude. » Toute relation a besoin de moments d’intimité, où l’on est seul avec l’être aimé. Ce qui est vrai entre époux et entre amis l’est aussi dans notre relation au Seigneur. Être là d’abord gratuitement pour lui, l’écouter parler à notre cœur dans le silence, approfondir notre prière sous son seul regard.
Comment ?
Pour entrer dans la solitude, nous allons quitter les relations visibles, les conversations, le travail habituel, les ordinateurs et les téléphones portables – quand la charité le permet – pour dire à Dieu : « je suis là pour toi seul. »
Le silence de ce jour n’est pas d’abord une privation de parole mais un espace plus grand donné à l’écoute de la Parole de Dieu et à la prière. Comment écouter Dieu parler à notre cœur ? Chacun de nous y sera conduit par l’Esprit, d’une manière unique…
Il nous faut d’abord quitter notre rythme habituel, parfois effréné. Un long bain de nature, un temps de détente peuvent nous aider à retrouver la présence de Dieu en nous. Nous pourrons mettre en œuvre ce qui nous unifie autour de l’Hôte intérieur, et ce sera différent pour chacun. Dieu nous parlera dans notre chambre ou dans la nature, par un contact prolongé avec un texte des Écritures, par la prière du Rosaire, la prière de Jésus, l’adoration, la contemplation d’une icône, etc. Un travail manuel peut aussi nous aider.
Peu à peu se dégage pour nous la manière juste de demeurer durant ce jour en présence de Dieu (qui évoluera aussi au fil de notre vie spirituelle).
Quelques repères pourront nous aider, quand le jour de désert se fait difficile.
Si la chambre est notre lieu de désert, il est bon de la préparer la veille, ce qui préparera aussi notre cœur ! Ranger ce qui traîne, ce qui nous pousserait à continuer un travail inachevé, vider une table, y disposer la Bible ouverte, etc.
S’il y a souvent besoin de repos, il est cependant regrettable que la matinée soit trop envahie par le sommeil : il vaut mieux éviter de se lever trop tard, pour prévoir dès le matin un temps suffisant à l’écoute de la Parole de Dieu, quitte à faire une courte pause en début d’après-midi si cela est nécessaire…
Au désert, il est bon de privilégier l’écoute de la Parole de Dieu. L’office, puis un temps prolongé de lectio nous y aideront : lire lentement plusieurs fois la Parole, la prononcer, écouter attentivement, mémoriser quelques passages, laisser notre prière jaillir à partir d’elle et nous laisser conduire vers le silence et l’adoration.
La Parole reçue peut ensuite nous accompagner à la chapelle, pendant le repas, la marche ou un travail manuel ; elle peut déjà nourrir ce jour, pacifier et unifier notre cœur. On pourra prévoir aussi un temps de travail sur la Parole de Dieu, en creusant un mot ou un thème, à l’aide des notes d’une Bible par exemple.
S’il y a besoin, une autre lecture peut nous aider. On veillera à éviter la dispersion et la multiplication des lectures, ce qui peut être une tentation. Ce n’est pas la quantité qui nourrit, mais l’onction que porte un passage ou une phrase longuement méditée.
Chacun trouvera peu à peu ce qui lui convient pour rester paisiblement avec le Seigneur.
Difficultés
Le silence et la solitude extérieurs ne suffisent pas à faire entrer notre cœur dans le silence intérieur. Du fait qu’on arrête les activités habituelles, ce qui a été vécu précédemment remonte : difficultés du passé, soucis, angoisses pour l’avenir, etc. Des sentiments négatifs, cachés quand nous sommes dans le feu de l’action, se réveillent…
Revenons sans cesse, paisiblement, au Seigneur, sans analyser longuement tout ce qui remonte. Des invocations courtes nous y aideront. Le désert est traditionnellement le lieu des tentations et du combat spirituel, ne nous étonnons donc pas ! Si quelque chose nous habite avec obstination, nous en parlerons en accompagnement ou en confession.
Nous pouvons aussi peiner à quitter la pression habituelle, une activité qu’on aurait voulu finir ; le chemin qui conduit à notre cœur nous est caché, l’ennui nous gagne… Accueillons paisiblement ces purifications, nous souvenant que ce jour est d’abord à Dieu. Nous ne pouvons rien lui offrir de plus précieux que notre temps et il se servira de tout pour nous mener vers lui !
Fruits
Ce jour permet d’abord de nous recentrer sur l’essentiel : c’est pour Dieu, pour son amour que nous avons fait notre choix de vie. À travers la solitude et le silence, nous reprenons contact avec ce choix fondamental.
Nous prenons un peu de recul avec les questions du quotidien, et même si elles ne sont pas réglées le lendemain, nous les retrouverons avec une paix et parfois des lumières nouvelles. Si notre activité, notre usage d’internet ont pris trop d’emprise sur nos journées, ils peuvent retrouver une place plus juste, quand nous acceptons de les quitter un temps pour Dieu.
L’attitude d’écoute et une prière prolongée renouvellent notre vie intérieure et, en conséquence, notre activité extérieure. « Là, je lui rendrai ses vignobles » (Os 2, 17), donc du vin et de la joie ! Ce n’est pas pour nous dépouiller inutilement que Dieu nous invite à quitter ce qui fait notre vie habituelle ; mais avec une promesse de porter du fruit (cf. Os 2, 23).
À la fin de la journée, nous pourrons en recueillir quelques fruits dans un cahier : quelle est la Parole de Dieu qui a marqué ce jour ? Qu’est-ce que le Seigneur m’a fait comprendre sur lui, sur moi ? Et nous lui exprimerons notre gratitude, quoi que nous ayons vécu.
Citation
« Celui qui aime s’entretenir avec le Christ aime être seul. » Saint Isaac le Syrien
Prière de Guillaume de saint Thierry
« Seigneur, tu m’as séduit et conduit dans la solitude.
Maintenant mon âme désire vaquer à Toi seul,
ô le désiré de mon cœur !
Je supplie de ta miséricorde
d’imposer paix et silence autour et au-dedans de moi.
Donne-moi, pour consoler ma solitude,
un cœur épris de silence et de fréquents entretiens avec Toi.
Tant que Tu seras avec moi, je ne serai pas seul.
Conduis-moi jusqu’au plus profond du désert,
là où l’âme sainte se voit plongée tout entière
dans le feu du Saint-Esprit
et s’enflamme comme un séraphin ardent.
Cache-moi dans le secret de Ta face ! »
Pour aller plus loin…Rien que pour aujourd’hui :
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(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).
*Le Livre de Vie de la Communauté est le texte fondateur de la spiritualité de la Communauté. Vous pouvez le télécharger ici ou le commander aux Editions des Béatitudes.