Oraison et Internet ? Deux mots qui, mis ensemble, peuvent nous choquer. Pourtant, une dialectique existe entre eux, qui peut aller jusqu’à ouvrir un chemin de vie. Comme le dit le pape François : S’il y a des limites, « elles ne sauraient justifier un rejet ; elles nous rappellent plutôt que la communication est, en définitive, une conquête plus humaine que technologique. »
Comment vivre le temps d’Internet ?
Internet fait partie de notre quotidien. S’il y a encore quelque temps, celui-ci était vu comme quelque chose de technique demandant des compétences particulières, aujourd’hui, il est vu comme un lieu où aller, un moyen pour s’informer, acheter, partager des intérêts, des idées, etc. Ce nouveau contexte existentiel touche notre manière de vivre et de penser, de percevoir le monde, les autres et nous-mêmes. Que nous le voulions ou non… Ainsi, la question n’est plus de savoir comment bien utiliser Internet – comme on le croit souvent – mais comment bien vivre au temps d’Internet. L’enjeu est une cohérence de vie entre le monde que l’on dit réel et le monde virtuel : en fait, un seul monde. En effet, virtuel n’est pas le contraire de réel, mais, comme son étymologie l’indique, il s’agit d’une possibilité (virtus). Le virtuel appartient à la pensée humaine : il est constitué du noeud de tensions, de projets, qui entrent en conversation avec la créativité, la volonté et le contexte dans lequel vit la personne.
Le virtuel suppose une présence humaine active et possède donc une pleine réalité. Le risque est d’entendre virtuel comme synonyme de fictif ou d’imaginaire, ce qui conduit à une séparation entre vie réelle/vie virtuelle, et a par conséquences les dérives connues, telle qu’avoir une double vie. Or, Internet est une réalité « réelle », bien qu’il ne soit pas équivalent de rencontrer une personne de visu et de la voir sur écran. Voilà donc tout le défi : apprendre à « être câblé », « connecté », de manière fluide, éthique et spirituelle ; et ainsi faire l’expérience qu’Internet est un environnement de notre vie (parmi tant d’autres) que l’Évangile veut toucher.
L’homme religieux au temps d’Internet
L’accès à Internet, à disposition en permanence, peut conduire l’homme à se retrouver comme perdu quand il en est privé. Il peut aussi l’habituer à toujours recevoir, sans plus se donner la peine d’aller chercher, et à subir une surinformation, tout lui parvenant sans effort et par un simple « clic ». Face à cette surcharge d’informations, l’enjeu est donc le décodage. Pour cela, le maître mot à redécouvrir est : discernement. Il revient à chacun, face aux réponses qu’il se voit offrir en permanence, de distinguer celles qui répondent à une véritable question de celles qui ne feront qu’encombrer inutilement son esprit et son cœur. C’est un travail complexe qui demande une grande préparation et sensibilité spirituelle, et probablement aussi, un accompagnement.
La surinformation, en effet, ne saurait servir une qualité de vie, humaine et spirituelle. Par ailleurs, il convient d’être vigilant face au risque d’une recherche continuelle du « nouveau », même sur le plan spirituel, sans aller en profondeur et intégrer les choses mais en cherchant « toujours plus ». Beaucoup d’entre nous ont peut-être aussi fait l’expérience d’avoir été sur Internet pour chercher quelque chose de spirituel et d’y avoir finalement passé beaucoup plus de temps que souhaité. Il y a donc une ascèse et une vigilance à avoir face au risque addictif, même dans le domaine spirituel…
Prendre ou recevoir ?
Internet semble baser sur la logique du don, c’est-à-dire d’un partage d’informations, de réseaux, de logiciels libres de droit, voire sur une idée de gratuité. Or, à y regarder de plus près, il s’agit en fait d’un échange rendu possible par des formes de « réciprocité » (freebie). L’accent est donc mis sur le fait de prendre, de se servir et non de recevoir. Or la grâce est toujours reçue et non prise, elle suppose une attitude d’accueil.
En restant dans cette attitude d’accueil, Internet peut devenir un lieu de partage de ce que l’on a reçu gratuitement, et donc de notre foi : évangélisation, témoignage, accès en un « clic » à la Somme théologique, aux textes du jour, etc.
Communion ou connexion
La logique de la grâce est de créer des liens et de permettre la communion, tandis que la logique d’Internet est celle de la connexion et de l’échange. Voilà donc une tâche spécifique qui incombe au chrétien sur Internet : passer d’un lieu de « connexion » à un lieu de « communion ». Ainsi, si le « cœur humain aspire à un monde où règne l’amour, où les dons se partagent » (pape Benoît XVI), alors Internet peut vraiment être un lieu privilégié dans lequel ce besoin profondément humain peut prendre forme.
Où que nous soyons (sur Internet, au marché, dans le métro), le fait de tendre à une vie de prière continuelle se manifeste par une recherche de communion, comme le rappelle Dorothée de Gaza : « Plus ils s’approchent de Dieu, plus ils se rapprochent les uns des autres ; et plus ils se rapprochent les uns des autres, plus ils s’approchent de Dieu. »
Internet est-il donc un frein à une vie d’oraison aujourd’hui, ou peut-il prendre sa place parmi les moyens qui la soutiennent ? Cela dépendra très certainement de notre manière de nous situer et de notre croissance progressive dans le discernement déjà évoqué. En effet, le « tout à portée de main » qu’offre Internet ne dispense en rien le chrétien de la nécessité de chercher en tout temps et en tout lieu la présence du Seigneur, dans une cohérence intégrale de sa vie. Cependant, il ne sera jamais qu’un moyen, parmi d’autres (comme les livres spirituels), non une nécessité en tant que telle ni la garantie d’une véritable rencontre avec le Seigneur. L’initiative revient toujours au Seigneur : à nous de nous ouvrir à son action.
Quand donc nous utilisons Internet en lien avec notre vie de prière (diverses applications existent en ce sens), quand donc nous utilisons un livre spirituel, est-ce pour nous préparer à cette rencontre, et si oui, comment… ? N’oublions jamais qu’il y a des réalités qui échapperont toujours à la logique d’Internet telle que la foi, impossible à googeliser. À nous donc d’entrer avec justesse dans ce temps d’Internet et de demander au Seigneur la grâce d’un discernement toujours plus affiné à cet égard.
La citation
« De même que tu fais atten-tion à ne pas perdre la connexion Internet, fais attention à ce que ta connexion avec le Seigneur reste active ; et cela signifie ne pas couper le dialogue. [… Internet] peut t’exposer au risque du repli sur soi, de l’isolement ou du plaisir vide. Mais n’oublie pas qu’il y a des jeunes […] créatifs, et parfois géniaux, dans cet environnement. C’est ce que faisait le jeune [Bx] Carlo Acutis. »
Dans Christus vivit
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(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).