Notre vocation : l’union à Dieu !
« Je ferai de toi mon épouse pour toujours, je ferai de toi mon épouse dans la justice et le droit, dans la fidélité et la tendresse ; je ferai de toi mon épouse dans la loyauté, et tu connaîtras le Seigneur. » (Os 2, 21-22) Ne désirons-nous pas que se réalisent pour nous les promesses de l’Écriture ? La vocation des baptisés n’est rien moins que l’union à Dieu. Le connaître intimement et l’aimer ardemment, comme nous sommes aimés et connus de lui ! Nous voulons « demeurer en lui comme lui demeure en nous » (Jn 15, 4). Nous désirons aussi pouvoir dire comme saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » afin de devenir, selon les mots de saint Pierre, « participants de la nature divine » (2 P 1, 4). Nous voulons vivre le « tout ce qui est à moi est à toi ! » propre au don mutuel de l’époux et de l’épouse, même s’il faut consentir aux purifications douloureuses nécessaires en vue de cette union, qui requiert une grande pureté de cœur.
Outre l’Écriture, la tradition du Carmel nous invite à aspirer ardemment à cette dimension nuptiale de l’existence chrétienne. Les textes magnifiques de Jean de la Croix qui décrivent la splendeur de l’âme transformée en Dieu nous offrent un horizon et une espérance extraordinaires : « L’âme en cet état aime Dieu autant qu’elle est aimée de lui puisqu’un seul amour leur est commun à tous deux. D’où vient que non seulement l’âme est enseignée à aimer, mais aussi qu’elle devient maîtresse d’amour, étant unie avec le Maître même d’amour ; elle demeure ainsi contente, car elle ne l’est point jusqu’à tant qu’elle soit parvenue à cet amour, qui est d’aimer Dieu parfaitement avec le même amour dont il s’aime. » (Cantique spirituel A, str. 37)
L’union à Dieu : une expérience sensible ?
L’union à Dieu peut parfois être expérimentée de manière sensible, rejaillir dans les différentes dimensions de la personne (embraser la volonté, combler la mémoire, illuminer l’intelligence, réjouir la sensibilité et même le corps) et nous faire goûter une joie, un bonheur, une plénitude qui dépasse infiniment tout ce que le monde peut offrir. Mais ce n’est pas le cas en permanence. Davantage qu’une possession, la vie chrétienne ici-bas est souvent un désir et une attente de l’Époux… désir qui s’exprime et qui se maintient vivant surtout grâce à la fidélité à l’oraison.
Nous savons que l’essence de l’union ne réside pas dans le sentiment, mais qu’elle est une union de volonté : ne rien vouloir d’autre que ce que Dieu veut pour nous. Celui qui, dans la pauvreté, l’obscurité et la souffrance, accepte avec foi l’état qui est le sien, peut être plus uni à Dieu que celui qui goûte des consolations sensibles. Il y a parfois des tâches qui nous sollicitent entièrement, sans nous donner beaucoup de loisir de penser à Dieu ou de ressentir sa présence, vécues sans grand élan mais avec une humble fidélité, dans lesquelles nous sommes profondément unis à Dieu parce que nous accomplissons tout simplement ce qu’il attend de nous. La monotonie du sacrifice unit plus sûrement à Dieu que l’extase, nous enseigne Thérèse.
L’âme est d’autant plus unie à Dieu qu’elle a de foi, d’espérance et d’amour, tel est l’enseignement essentiel de saint Jean de la Croix. Mais comme chacun sait, nous sommes parfois appelés à croire sans voir, à espérer sans posséder et à aimer sans y éprouver de satisfaction.
Mesurer son union à Dieu ?
Le degré d’union à Dieu est quelque chose de difficilement mesurable. Bien des saints ont vécu une profonde union à Dieu tout en ayant le sentiment d’une extrême pauvreté intérieure. Comme pour la petite Thérèse dans ses dernières années ou pour Mère Teresa de Calcutta, même si l’union à Dieu est réelle et profonde, l’âme n’en a pas toujours la jouissance ; elle éprouve parfois de grandes ténèbres, et se sent davantage « à la table des pécheurs » que dans l’antichambre du Ciel ! Le Seigneur permet que ses amis, et cela semble fréquent aujourd’hui, sentent peser sur eux, dans une mystérieuse solidarité, tout le poids du péché du monde. S’il y a des critères qui permettent d’évaluer le degré d’union à Dieu d’une personne, ce n’est donc certainement pas dans le domaine sensible qu’il faut les trouver. Les critères les plus sûrs seraient plutôt la profondeur de l’humilité, la charité attentive à ceux dont nous partageons la vie, l’acceptation paisible et confiante de tout ce qui peut nous advenir, y compris les déceptions et souffrances. L’accueil de la Croix est ce qui nous place le plus efficacement sur le chemin de l’union…
Si personne ne peut mesurer son degré d’union à Dieu, nous connaissons par contre avec certitude le chemin qui y conduit : le chemin de la fidélité à la prière, de la pauvreté de cœur, de l’humilité, de la patience, de la douceur, de l’humble service, de la pureté du cœur, de la miséricorde, de la paix, en un mot le chemin des Béatitudes. Pas d’autre porte d’entrée dans le Royaume.
« Voir Dieu en tout »
Voici un passage d’une lettre du père Marie-Étienne Vayssière (dans le livre Consentir à l’amour, paru aux EdB) à une personne qu’il accompagnait : « Poursuivez sans relâche le travail de votre union à Dieu. Comment ? Par la mort à vous-même, la purification de votre intérieur, par l’humilité, la douceur, la patience, l’abnégation, l’oubli généreux de vous-même, l’abandon sans réserve. Chantez les volontés divines dans tous les détails qui à chaque instant surgissent sous vos pas. Soyez une âme de foi qui voit tout en Dieu, dans sa volonté, et dans son amour, y adhérant sans réserve par un élan incessant du cœur. Au fond, tout est là : toute sanctification et toute vertu, dans cette vie de la foi. Voir Dieu en tout, Dieu et son infini amour, jusque dans le grain de poussière que nous foulons aux pieds, dans le cheveu qui tombe, la feuille qui bouge. Et répondre à cet amour de notre Dieu par l’adhésion et l’amour de notre cœur. Être joyeuse et contente de tout, parce que tout est de Dieu, tout est Dieu. Faites de cela le grand principe de votre vie spirituelle, le vrai ressort sur lequel en vous tout s’appuie. Votre marche en avant sera faite de sécurité, de rapidité, de joie, de fécondité surnaturelle. »
D’autres points seraient à développer sur cette question de l’union à Dieu. Avec Thérèse d’Avila, nous savons qu’elle se fonde sur le mystère de l’Incarnation, et que l’union à Dieu se réalise à travers une communion aimante avec l’humanité de Jésus. Avec Grignion de Montfort, nous savons le rôle essentiel que joue Marie, « très douce pente par laquelle tout descend à Notre Seigneur », pour nous y conduire. Ces points feront certainement l’objet de prochains articles.
En marche vers Dieu…
En guise de conclusion, laissons-nous encore encourager et stimuler par ce beau texte du père Vayssière :
« L’âme qui prie, quelle que soit sa misère, est toujours, en réalité, en marche vers Dieu. Et les misères qui paraissent retarder sa marche ne font en réalité que l’accélérer. Ce n’est pas le sentiment que nous avons de Dieu qui nous unit à lui, mais plutôt le sentiment de notre misère, et, dans cette misère, la confiance qui nous soulève et nous fait marcher malgré tout. Reprenez donc avec humilité les exercices quotidiens. Marchez habituellement dans cette humilité, dans le sentiment pratique que vous n’êtes rien et ne pouvez rien de bon, mais en même temps dans une confiance sans bornes en l’infinie miséricorde de notre Père du Ciel. »
La citation
« Ce que Dieu veut, c’est faire de nous des dieux par participation, comme lui l’est par nature. Ainsi fait le feu qui transforme toute chose en lui-même. » Saint Jean de la Croix
Pour aller plus loin…
Rien que pour aujourd’hui :
Où en suis-je de mon désir d’union à Dieu ? Reste-t-il la grande priorité de ma vie, ce pour quoi je brûle ? S’est-il un peu affaibli au fil des ans ? Qu’est-ce qui a pu l’atténuer : désillusion, découragement, perte d’espérance due à l’expérience de mes pauvretés ? Ou bien ai-je trop investi mon désir dans autre chose que Dieu ? Que puis-je faire concrètement pour réveiller et maintenir vivant ce désir ? Questions qui pourraient faire l’objet, dans un second temps, d’un échange avec mon accompagnateur.
Livres :
– Consentir à l’amour – lettres choisies du père Marie-Étienne Vayssière, Éditions des Béatitudes. Montre comment la vraie union à Dieu passe par l’acceptation de sa pauvreté radicale. Insiste aussi sur le rôle de Marie.
– Cantique spirituel A, strophes 38 et 39, saint Jean de la Croix. Texte magnifique décrivant l’éga-lité d’amour entre l’âme et Dieu dans la transformation d’amour.
De quoi réveiller notre désir !