Alors que fleurissent d’alléchantes propositions d’alimentation diététique, de jeûne thérapeutique ou profane, où en sommes-nous, chrétiens, de notre pratique du jeûne ? Serait-il le grand oublié de nos sociétés occidentales contemporaines ? Pourtant le jeûne est une force insoupçonnée qui redonne vie à toutes les dimensions de l’homme : corps, âme et esprit.
Nombreux sont les témoignages de guérisons physiques, psychologiques et spirituelles. C’est une force de libération, de purification, de sanctification : « Le jeûne guérit les malades. Il repousse les démons et expulse les pensées malsaines. Il rend l’esprit plus clair et purifie le cœur. Il sanctifie le corps et transporte l’homme sur le trône de Dieu. Le jeûne est une grande force » (Saint Athanase).
Selon Hippocrate, père des médecins, le jeûne est même le plus ancien médicament. Les dernières découvertes scientifiques ont mis en lumière les bienfaits du jeûne dans le traitement de maladies chroniques dites « de civilisation » ou même de certains cancers. Nous savons aussi que le ventre est notre « deuxième cerveau » puisque l’on y trouve de 100 à 200 millions de cellules nerveuses…
Il est surprenant de voir à quel point le jeûne est une pratique difficile dans notre société matérialiste et athée. La surconsommation a certainement rendu notre société obèse et repue. À la simple idée de jeûner, on se sent déjà défaillir… La peur de manquer se réveille, la peur d’être fatigué ou de ne pas pouvoir assumer son devoir d’état. Or la peur de souffrir est bien plus insupportable que la souffrance elle-même. Une fois cette peur démasquée, une grande partie du combat est éliminée. Ensuite, c’est une question de volonté et de fidélité à la résolution prise. Une chose peut nous aider considérablement : associer à notre jeûne une intention de prière qui nous est chère. On peut, bien sûr, jeûner pour la paix dans le monde en général mais jeûner pour la paix du cœur d’une personne en détresse, c’est tout autre chose. Commençons donc par le particulier et notre cœur s’élargira peu à peu aux intentions plus vastes.
Dans l’Ancien Testament, le jeûne fait partie des rites de pénitence (cf. Lv 23, 27 ; Jl 1, 14 ; Jon 3, 5) et de deuil (cf. 2 S 1, 12). Il s’agit souvent d’une expérience religieuse collective puisque l’on « prescrit » un jeûne pour tout le peuple. D’ailleurs, quand la Communauté est en danger, elle le pratique afin d’obtenir la victoire (cf. Jg 20, 26 ; 1 S 14, 24). Le mot hébreu tsom a la même racine que tsama, « la soif ». Il favorise donc une heureuse expérience spirituelle pour une meilleure relation à Dieu, le plus important étant bien sûr de s’abstenir de l’injustice et du péché. Nous avons certes mille et une raisons de ne pas jeûner : on veut bien prier mais qu’il est difficile de jeûner… Or Jésus nous le dit clairement : le jeûne et la prière sont indissociables (cf. Mc 9, 29). Jésus lui-même l’a pratiqué et ce fut un moment d’intense communion avec le Père : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé » (Jn 4, 34) et Il nous enseigne à faire de même : « lave-toi la face » (sois vrai), « parfume-toi la tête » (offre joyeusement), « dans le secret » (sans ostentation) (Mt 3, 17-18). Certes, on peut jeûner de tout ce qui nous est cher mais le jeûne de nourriture restera toujours le plus puissant car il touche à un besoin vital et ontologique.
Bienfaits du jeûne
Multiples sont les bienfaits du jeûne pour nos âmes. En voici quelques-uns. Cette liste n’est pas exhaustive :
Vigilance. Le jeûne de deuil pratiqué le Mercredi des Cendres et le Vendredi saint nous rappelle que, privés de la vue du Bien-Aimé, nous veillons dans l’attente. Cette attitude de vigilance est fondamentale.
Bienheureuse faiblesse. Le jeûne nous fait expérimenter notre petitesse et notre dépendance à Dieu pour entrer dans une plus grande liberté du cœur. C’est redécouvrir cette réalité spirituelle : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ! » (2 Co 12,10). Nous sommes plongés dans la logique pascale : il faut mourir pour vivre !
Maîtrise de soi. C’est une ascèse, une autodiscipline, qui augmente notre capacité à résister à la tentation, qui nous implique et nous fortifie dans la maîtrise de nous-même en concentrant notre attention sur la présence de Dieu. Nous nous privons, nous maîtrisons
notre corps pour ne pas être maîtrisé par lui en vivant une certaine sobriété libératrice du consumérisme.
Présence à Dieu et offrande. Jeûner, c’est aussi libérer du temps pour prier davantage : créer un espace que Dieu seul pourra occuper et remplir. Ceux qui jeûnent régulièrement ont d’ailleurs une sensibilité spirituelle toute particulière et sont plus réceptifs aux motions du Saint-Esprit. Le jeûne met en évidence que nous sommes appelés à offrir toute notre vie à Dieu comme un sacrifice vivant. En donnant de notre corps, on se donne vraiment.
Partage. Le jeûne est un geste de communion et de solidarité qui élargit notre cœur. Il exprime une solidarité avec les plus démunis qui ne mangent pas tous les jours à leur faim et doit être vécu par amour, en se privant pour l’autre, sans se dérober à son semblable (cf. Is 58, 6-7). Saint Léon le Grand nous exhorte ainsi : « Qui a beaucoup reçu doit beaucoup donner. Puisse le jeûne des croyants devenir la nourriture des pauvres ! »
Combat spirituel. Purifier son corps, c’est aussi purifier son âme : le jeûne met en lumière et déracine le péché. C’est une arme redoutable dans le combat spirituel bien que trop peu utilisée, un lieu de purification, de pardon pour retrouver l’unité perdue. Saint Léon le Grand enseignait : « La prière du jeûne plaît à Dieu et fait peur à Satan. Elle contribue à notre salut et à celui des autres. Il n’y a rien de plus efficace pour nous rapprocher de Dieu. Ne négligez pas ce moyen puissant,
cette thérapie efficace pour nos blessures. » Le jeûne met en fuite les démons car cela nous coûte !
Eucharistie. Enfin, le jeûne pré-eucharistique nous prépare à accueillir la Présence réelle du Christ ressuscité. À Medjugorje, le jeûne au pain et à l’eau est préconisé car il creuse en nous la faim de l’Eucharistie.
Repentance. La Vierge ne cesse de nous exhorter à la pratique du jeûne dans ses plus récentes apparitions. « Pénitence, pénitence, pénitence » a-t-elle dit à Lourdes et à Fatima. L’enjeu est crucial car c’est un appel à la repentance et à la conversion. Finalement, le plus dur n’est pas d’avoir faim mais d’aller à contre-courant de l’esprit du monde qui prône confort et facilité. Mais un christianisme sans ascèse et sans croix est la religion du monde… Jeûnons avec le cœur et avec le corps et notre vie sera transfigurée, renouvelée dans la ferveur !
La Citation
« Le jeûne purifie l’âme, élève l’esprit, soumet la chair à l’esprit, rend le cœur contrit et humilié, disperse les nuées de la convoitise, éteint l’ardeur des passions, rend vraiment brillante la lumière de la chasteté. Il te fait vraiment rentrer en toi-même. » Saint Augustin
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(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).
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