Vie d’Oraison : la réceptivité (n°37)

Avez-vous déjà entendu que, dans l’oraison, l’essentiel est d’être réceptif, de mettre de côté notre activité frénétique quotidienne pour recevoir ? Et avez-vous senti à ce moment-là une vague frustration du genre : facile à dire, mais comment faire ? Qu’entendons-nous par une attitude de réceptivité dans l’oraison ? Pourquoi est-ce si important ? Comment grandir dans ce sens ? C’est ce que nous allons aborder.

Quelques aspects anthropologiques

Lors de la création « Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant » (Gn 2, 7). Depuis, la respiration est le signe sûr de la vie. Je respire sans devoir y penser, dans un rythme propre qui m’habite et qui « fonctionne » de soi. À la base même de notre vie il y a donc un don et si Dieu cessait de nous donner le souffle de vie nous cesserions d’exister à l’instant même. Je suis une créature qui se reçoit à chaque moment de la volonté aimante de son Créateur. 

Prenons un deuxième aspect fondamental de notre être créé : « L’Éternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18). Il lui donna une aide, une compagne semblable à lui. Nous sommes créés comme êtres de relation, radicalement dépendants des autres. Nous sommes tous nés d’autres, et sommes devenus adultes à travers le don d’autres. L’homme adulte devient autonome et capable de donner la vie à son tour – ce qui encore présuppose qu’il vive en relation. Personne ne peut vivre de manière autosuffisante et la capacité d’autonomie peut devenir un piège. Nous sommes libres de nous couper des autres, de nous suffire à nous-mêmes, de nous figer dans l’activisme, le contrôle et la responsabilité mal comprise. Alors il peut devenir nécessaire de réapprendre l’attitude de réceptivité. Combien de fois sommes-nous bloqués ou insatisfaits de la qualité de nos relations humaines tout simplement parce que nous croyons tout savoir et tout connaître de l’autre et ne faisons plus l’effort de l’accueillir comme un don sans cesse renouvelé ? 

Ce qui vaut pour la relation à mon prochain vaut pareillement pour ma relation à Dieu, d’autant plus que dans la relation avec Dieu nous dépendons de manière plus évidente de son initiative. S’il ne se révélait pas, s’il ne se donnait pas, nous n’aurions aucune possibilité de le connaître ou d’entrer en relation avec lui. C’est lui qui nous aime le premier ! 

Réceptivité dans l’oraison

Faisons attention à ne pas mal comprendre l’aspect passif qu’il y a dans cette attitude. Il y a différentes étapes et périodes dans la vie de prière. L’approfondissement de la vie d’oraison est en général accompagné d’une simplification des méthodes et d’une présence plus passive du priant. Mais peu importe où nous en sommes dans notre cheminement : la réceptivité y est capitale. Pour vraiment entrer dans ce « commerce d’amitié » avec Dieu dont parle Thérèse d’Avila, je dois tendre de tout mon être vers celui qui m’aime. Ceci est vrai pour celui qui s’exerce à la prière vocale ou mentale comme pour celui qui prie dans le silence de la simple présence amoureuse. C’est l’Esprit qui me conduit dans ma vie de prière. Pour ma part, je peux me rendre disponible à son agir en cultivant la réceptivité, attitude des mains vides et de l’enfance spirituelle. Ce n’est pas si simple pour des êtres si habitués à chercher l’indépendance, le pouvoir et la possession. Permettre à l’autre de nous surprendre mais également l’approcher sans a priori, sans tout savoir, sans but ni plan. Avouons que cela nous coûte. C’est un chemin de lâcher-prise : rendre les armes, cesser de tout vouloir contrôler, nous ouvrir à l’inconnu. Jésus nous a prévenus : « En dehors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Il ne le dit pas pour nous montrer notre impuissance mais pour nous appeler à lui, pour que nous lui permettions de nous donner tout ce dont nous avons besoin. 

Comment progresser ?

La réceptivité est inscrite très profondément en nous. Ainsi, il s’agit simplement de rejoindre ce que nous avons délaissé.

Notre corps nous offre pour cela quelques aides précieuses. Je peux commencer par prêter attention à ma respiration ou au battement de mon cœur en percevant ce qui m’habite, ce qui m’est offert et qui me donne la vie. Beaucoup de techniques de recueillement conseillent cette simple attention au rythme de la respiration. C’est effectivement une ancre pour m’établir dans mon état de créature qui se reçoit de son Créateur à chaque instant.

Certains gestes de prière peuvent aider aussi : ouvrir mes mains pour exprimer que je ne retiens rien, que je me dirige vers l’autre pour me mettre à sa disposition, pour écouter, pour accueillir. L’attitude de mon corps peut aussi m’aider : la manière dont je m’assoie ou m’agenouille peut exprimer l’ouverture, l’intérêt, le respect, l’écoute et le désir de recevoir.

Puis, quelque soit ma manière de prier en ce moment : où est mon focus ? Est-ce que je suis centré avant tout sur moi-même, mes soucis et mes joies, mes projets et désirs ? Le problème avec Dieu, c’est qu’il est très poli et délicat. Là où mon prochain m’aurait interrompu il y a longtemps dans mon discours interminable sur moi-même, le Seigneur m’écoutera avec une patience imperturbable. Lui est expert dans la réceptivité. Si je m’arrêtais ? Si j’osais faire confiance en ce Dieu qui me connaît mieux que moi-même et qui n’a guère besoin de longues explications pour comprendre ce qui habite mon cœur ? Si je m’intéressais un peu à ce qu’il y a dans Son Cœur ? 

Que se passe-t-il alors ?

Le plus souvent pas grand-chose, ou plutôt de très grandes choses mais de manière inaperçue. Je me mets en présence de mon Dieu, lui offre un temps et un espace intérieurs : qu’il agisse comme il voudra ! Qu’il continue en moi son œuvre de Créateur et de Rédempteur. Il se peut que je goûte quelque chose de son action ; souvent ce n’est pas le cas. Quoiqu’il en soit, il agit sur mon psychisme, sur ma volonté, sur mon intelligence, sur mes sens, bref, sur mon être tout entier, pour le transformer petit à petit et le rendre chaque fois plus vivant et ressemblant à lui-même.

La réceptivité m’ouvre pour ce que Dieu seul peut faire en moi et pour moi. J’en percevrai les fruits dans ma vie de tous les jours lorsque je deviendrai capable de recevoir avec gratitude et respect la réalité telle qu’elle veut bien se donner à moi.

 

La citation

« Le chemin de la sainteté ne passe pas par un renoncement dramatique (…) elle peut seulement être donnée, et tout ce qu’il faut, c’est la demander. Dès que nous cessons de nous concentrer inutilement sur nous-mêmes et que nous reconnaissons notre faiblesse, notre besoin, la voie est ouverte pour rencontrer Dieu et la sainteté de Jésus qui est un don. » Sr Ruth Burrows

 

Du cardinal Joseph Ratzinger

« Du point de vue de la foi chrétienne, l’homme vient à lui-même au sens le plus profond, non pas par ce qu’il fait, mais par ce qu’il reçoit. Il doit attendre le don de l’amour, et l’amour ne peut être reçu que comme un don. Il ne peut pas être « fabriqué » par soi-même sans quelqu’un d’autre ; il faut l’attendre, le laisser être donné à quelqu’un. Et on ne peut devenir pleinement homme autrement qu’en étant aimé, en se laissant aimer (…) La primauté de [recevoir] ne vise pas à condamner l’homme à la passivité ; cela ne signifie pas que l’homme peut maintenant rester les bras croisés (…) Au contraire, elle permet seule de faire les choses de ce monde dans un esprit de responsabilité, mais en même temps de manière détachée, joyeuse et libre et de les mettre au service de l’amour rédempteur ».

 

 

Pour aller plus loin…

Rien que pour aujourd’hui :

  • Plusieurs fois au cours de la journée, je m’arrête intérieurement pour percevoir comment Dieu me regarde et comment il voit les événements les plus anodins de ma vie comme les plus décisifs.

Lectures :

  •  Ouverture à la contemplation : Introduction à l’attitude contemplative et à la prière de Jésus, Franz Jalics, DDB.
  • La montée vers l’amour, Ruth Burrows, Cerf (à paraître).
  • Si tu savais le don de Dieu, Père Jacques Philippe, premier chapitre « Apprendre à recevoir », EDB.

Vidéo :

  • The Chosen, Season 1, épisode 2 : Jésus et les enfants  

 

Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).

*Le Livre de Vie de la Communauté est le texte fondateur de la spiritualité de la Communauté. Vous pouvez le télécharger ici ou le commander aux Editions des Béatitudes.

Oraison

Ces articles sur la vie d'oraison sont extraits du bulletin mensuel "Il est là !" publié à l'usage des membres de la Communauté des Béatitudes et de leurs amis. Il est rédigé par un collectif de laïcs, prêtres, frères et sœurs consacrés, membres de la Communauté, avec le désir de stimuler la vie de prière, essentielle à la vocation aux Béatitudes comme à toute vie chrétienne authentique... C'est pourquoi nous sommes heureux de vous partager ces contenus simples.

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