Introduction
Une pratique désuète ?
Les vertus n’ont pas bonne presse dans l’inconscient collectif. Souvent, quand on évoque ce mot « vertu », nous vient à l’esprit la notion de devoir (pas très attrayant) ou celle d’un comportement réservé aux grands saints. Cela peut paraître inaccessible ou ennuyeux. Le risque est ainsi de se décourager, ou de ne pas se sentir concerné.
Or il est important de situer la question des vertus dans la ligne de ce que proposent saint Thomas d’Aquin et les pères de l’Église, c’est-à-dire celle d’une morale du bonheur. À la racine de la liberté de l’homme, il y a l’aspiration au bien et au bonheur. Or cette liberté, comme pouvoir d’agir selon le bien, ne nous est pas donnée en plénitude au départ de la vie. Elle est un germe appelé à grandir pour porter du fruit. L’expérience montre que cette liberté peut être entravée par le péché. Il nous faut mener un véritable combat au niveau moral et spirituel. Nous faisons l’expérience que nous ne faisons pas le bien que nous désirons et que nous faisons le mal que nous ne désirons pas (cf. Rm 7,19) et cela nous rend malheureux ! Rien de plus actuel que de pratiquer les vertus « qui peuvent fleurir en nous, apportant le printemps de l’Esprit dans notre vie » (pape François) et sont essentielles afin que se déploie harmonieusement notre vie spirituelle.
Les vertus, des amies…
Les vertus sont telles des amies pour nos âmes car la protection et la croissance de la liberté sont l’œuvre des vertus. Elles nous procurent ainsi un pouvoir croissant d’accomplir des œuvres de qualité, avec aisance malgré l’effort requis. Les vertus sont donc à notre service pour nous permettre de grandir en liberté face aux tentations diverses. Elles sont des aides puissantes dans notre recherche du véritable bien.
Les vertus et la grâce de Dieu
« Pour le chrétien, le premier secours est la grâce de Dieu » (pape François). Mais il y a une étroite et mystérieuse collaboration entre l’action de la grâce de Dieu et nos efforts pour grandir dans la vertu. La grâce de Dieu nous est transmise par les vertus infuses données au baptême, les dons du Saint- Esprit, les sacrements, la vie de prière. Par ailleurs, « les vertus humaines acquises par l’éducation, par des actes délibérés et par une persévérance toujours reprise dans l’effort sont purifiées et élevées par la grâce divine » (CEC n°1810). Comme le sportif s’impose un entraînement pour courir plus vite et plus loin, les vertus nous permettent de nous entraîner à faire le bien. Plus nous les pratiquons, plus il nous est aisé de les pratiquer, notre effort étant soutenu par la grâce de Dieu. Cet entraînement est une ascèse ; sans doute l’ascèse la plus utile à notre progrès spirituel car c’est celle de l’ouverture de nos vies à la grâce de Dieu.
En vue d’un déploiement de vie spirituelle
Pour qu’une vie chrétienne se déploie pleinement, la pratique des vertus est donc indispensable, en cultivant :
– d’une part, les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, qui constituent l’élément fondamental de la maturité chrétienne. Elles se réfèrent directement à Dieu et disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu Un et Trine pour origine, pour motif et pour objet (cf. CEC n°1812).
– d’autre part, les vertus cardinales, vertus morales acquises, de prudence, justice, force et tempérance, autour desquelles se groupent toutes les autres vertus (cf. CEC n°1805). La prudence aide « la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir » (CEC n°1806) ; la justice « consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû » (CEC n°1807) ; la force « assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien » (CEC n°1808) et la tempérance « modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés » (CEC n°1809). De ces quatre vertus cardinales découlent beaucoup d’autres vertus auxquelles nous ne pensons pas souvent mais qui sont tout aussi importantes comme la discrétion, la pudeur, le respect, la sincérité, la fidélité à la parole donnée, la gentillesse, la douceur, etc.
Saint Paul nous dit : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2,5). Pour lui, le Christ devient le modèle véritable de toute vertu. Ainsi, pratiquer les vertus permet de reproduire dans le cœur et dans la vie du chrétien les « mystères » du Christ : la patience dans les persécu- tions et les épreuves, la douceur et le pardon fraternel, l’assiduité à la prière, l’hospitalité, etc. Toutes les vertus deviennent une communion à celles du Christ, retracées dans l’Évangile.
Enfance spirituelle
Jésus nous dit : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux » (Mt 18,3). Le conseil est clair : il nous faut devenir comme des enfants pour entrer dans le Royaume, c’est-à-dire emprunter la voie de l’enfance spirituelle.
Le génie de Thérèse de l’Enfant Jésus est d’avoir découvert et fait connaître au monde cette petite voie d’enfance, chemin accessible à tous pour grandir en sainteté. Vivre de cette petite voie nécessite de pratiquer particulièrement les vertus liées à cet esprit d’enfance, c’est-à-dire l’humilité, l’obéissance, la simplicité, la pureté du cœur et l’innocence. Les pratiquer, c’est entrer dans le style de vie de Jésus. Connaître et vivre ces vertus sont des clés pour progresser dans notre vie spirituelle et entrer dans une plus grande conformité au Christ, notre Seigneur.
Conclusion
Si nous désirons vivre pour le Christ la Sequela Christi, cette suite intime avec Lui, la pratique des vertus est fondamentale et doit être notre ascèse principale. Ne remettons pas à demain notre entraîne- ment dans la pratique des vertus ! Écoutons l’encouragement du pape François : « Chers frères et sœurs, commençons donc notre voyage à travers les vertus, dans cet univers serein qui est un défi, mais qui est décisif pour notre bonheur. »
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L’espérance, d’après Charles Péguy On oublie trop, mon enfant, que l’espérance est une vertu, qu’elle est une vertu théologale, et que de toutes les vertus, et des trois théologales, elle est peut-être la plus agréable à Dieu. Qu’elle est assurément la plus difficile, qu’elle est la seule difficile et que sans doute, elle est la plus agréable à Dieu. |
La citation
« Laissons-nous dès aujourd’hui attirer par l’espérance et faisons en sorte qu’elle de- vienne contagieuse à travers nous pour ceux qui la désirent. » (Pape François)
Pour aller plus loin…Rien que pour aujourd’hui
Lectures
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Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
Textes écrits par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes et édités aux Éditions des Béatitudes – ©droits réservés