Les enfants ont une secrète intuition qui leur permet de sentir l’amour qui unit leurs parents dans les petits faits quotidiens : dialogue, gestes, attentions, pardons. Il est prouvé que les enfants vont beaucoup mieux lorsque les parents savent résoudre les difficultés familiales par une pratique de l’amour en acte, ce qui est tout un art mais aussi la grâce attachée au mariage. Ainsi, les valeurs de l’amour se cultivent d’abord dans la relation époux-épouse, donnant ainsi à l’enfant la perception réelle de ce que veut dire aimer.
Comment définir l’amour ? Il est un mélange subtil de sentiments et de raison qui donne un élan vital à toutes les relations familiales. Grand fleuve qui peut tout emporter, il a besoin de ses deux rives pour le maintenir dans sa fonction : l’intelligence et la volonté, véritablement moteurs de l’amour. Aimer est trop souvent compris dans le seul sens de désirer et non pas dans le sens de donner et de se donner. Pour être vrai, l’amour attend toujours une réciprocité entre parents et enfants, sinon il se limite à une assimilation aux parents, à leur ressemblance, comme le font naturellement les enfants en aimant leurs parents.
L’amour peut se dévoyer si souvent en « dévoration », qui pousse les parents à posséder les enfants pour se faire plaisir à eux-mêmes, Inversement il peut consister à se « laisser dévorer » dans un certain esprit de sacrifice, comme le vivent beaucoup de mamans qui n’ont plus une minute à elles et qui confondent aimer et se laisser manger. Parfois, la vie des parents et des enfants sont tellement décalées que l’on devient étrangers les uns pour les autres et que les moeurs affectives des parents ne transparaissent plus pour leurs grands enfants. Toutes ces déviations demandent à se laisser transformées en amour vrai qui reçoit pour donner.
L’ambiance sociétale qui hypertrophie le besoin d’amour seulement affectif, émotionnel et finalement égoïste, centré qu’il est sur le plaisir de la rencontre narcissique, est une conséquence du romantisme qui a très mal traduit ce qu’est l’amour évangélique. L’Évangile à rebours enseigne l’effort comme service du bonheur de l’être humain, la liberté qui consiste à réaliser la vocation de chacun, joie de se donner plus grande que de recevoir, et la volonté à placer au-dessus de l’exigence du « tout-tout de suite ».
La croissance d’un enfant passe par quatre étapes : aimer pour soi quand il est petit, puis préférer l’autre à soi avec les premières amitiés, ensuite maîtriser ses désirs et faire confiance à l’autre dans l’adolescence, enfin passer de l’idéal au réel à l’approche de l’âge adulte, par l’amour de compassion qui intègre la faiblesse de l’autre.
Il est donc urgent de se mettre à parler de l’amour en famille en l’exerçant sous toutes ses formes.
Aimer son enfant d’affection comme Dieu l’aime de tendresse, c’est être reflet de l’amour divin dans son amour parental. Dira-t-on assez la grâce qui passe par les gestes des parents quand ils sont faits dans la tendresse et la douceur, ce qui n’exclue pas la fermeté, car ils parlent de Dieu à l’enfant plus que mille paroles ?
Il est donc urgent de se mettre à parler de l’amour en famille en l’exerçant sous toutes ses formes : manifester la tendresse par la bienveillance, la douceur dans les propos et les gestes, organiser le service, valeur éminente de l’amour, car il incarne ce qui ne serait qu’une simple intention, et enfin le pardon, qui restaure l’amour abîmé par les incompréhensions, les peurs et les conflits. Tendresse, service et pardon sont les trois marqueurs inévitables de l’amour familial, et quand l’une ou l’autre de ces caractéristiques est atteinte, il faut se demander si la famille est toujours une école de l’amour.
En réconciliant le don et le désir, ces deux faces de l’amour, comme le disait Benoît XVI, la famille incarne ainsi parfaitement ce qu’est l’amour dans sa réciprocité, désir et don, parfois don de son désir et finalement désir de se donner. Le désir, besoin naturel chez l’enfant, doit trouver à se déployer chez l’adolescent en don, plus surnaturel. Une éducation réussie, école d’apprentissage de l’amour, conduit ainsi à enrichir l’amour d’affection par l’amour de don, désintéressé.
Faut-il « encourager les adolescents à prolonger l’immaturité de leur façon d’aimer ?… Qui les aide à se préparer sérieusement à un amour grand et généreux ? » Pape François, Amoris Laetitia 284)