Sanctifier l’espace (n°66)

La gratitude est une disposition des plus bienfaisantes. Ses effets sont spectaculaires, nombreux et durables. Elle agit sur toutes les dimensions de la personne (corps, âme, esprit).

Au commencement

Au commencement du monde, le troisième jour de la création, Dieu dit : « “Les eaux qui sont au-dessous du ciel, qu’elles se rassemblent en un seul lieu, et que paraisse la terre ferme.” Et ce fut ainsi. Dieu appela la terre ferme “terre”, et il appela la masse des eaux “mer”. Et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1,9-10). Ainsi, cette terre qui nous est donnée pour que nous la remplissions ne vient qu’après la lumière au premier jour et après les cieux, demeure de Dieu, au deuxième jour. Ce récit symbolique des origines nous rappelle que l’existence terrestre ne nous est accordée que pour un temps car nous sommes appelés à rejoindre le Cœur de Dieu et à vivre dans sa lumière. Elle est un temps de préparation et de mission.

Une terre sainte

Dieu apparut à Abraham et lui dit : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai » (Gn 12,1). Le Seigneur promet, à ceux qui lui obéissent et le suivent, un lieu saint où ils pourront le rencontrer. Des générations plus tard, alors que Moïse avait la charge du troupeau de son beau-père, il le mena paître au pied de l’Horeb quand il remarqua un buisson qui brûlait sans se consumer. Il fit un détour pour mieux voir et Dieu l’appela du milieu du buisson, puis, quand Moïse fut tout près, le Seigneur lui commanda : « Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! […] J’ai vu la misère de mon peuple » (Ex 3,5-7). Dieu se révèle à son peuple qui a perdu tout espoir, il lui promet de le conduire de l’esclavage vers la liberté, d’une terre étrangère vers son héritage : « Je vous ferai entrer dans la terre que, la main levée, je me suis engagé à donner à Abraham, à Isaac et à Jacob » (Ex 6,8). Après bien des épreuves, le peuple prendra enfin possession de cette terre promise, lieu de délices et de repos. Mais ce pays ne sera pas encore le lieu saint où l’on peut rencontrer Dieu car à Jérusalem, la ville sainte, va s’élever un lieu plus saint encore : le Temple. Salomon fit construire le Temple avec du bois précieux, il le couvrit d’or et de pierreries, puis il pria ainsi : « Que tes yeux soient ouverts jour et nuit sur cette Maison, sur ce lieu dont tu as dit que là tu mettrais ton nom. Écoute donc la prière que ton serviteur fera en ce lieu » (2 Ch 6,20). Cependant, malgré la bénédiction qui reposait sur lui, le Temple fut détruit. Au fond, ce que les hommes cherchaient alors, ce n’était pas un lieu, un « sas » de communication avec Dieu, mais une véritable rencontre, un face à face. De l’humanité orpheline monte ce cri que nous entendons chaque année dans la liturgie au début de l’Avent : « Si tu déchirais les cieux ! Si tu descendais, Seigneur ! » (cf. Is 63,19). Nous ne pouvons pas monter vers toi… mais toi, Seigneur, viens vers nous !

Les vrais adorateurs

En réponse à notre attente, Dieu déchira les cieux et il établit sa demeure parmi nous. Cependant, cette naissance n’eut pas lieu dans les fastes du palais d’Hérode : Jésus naquit dans une humble grotte car il n’y avait pas de place pour la Sainte Famille dans les maisons de Bethléem ! Il sanctifia de nombreux lieux de sa présence : le Temple, la synagogue de Capharnaüm, les bords du lac de Tibériade, la salle des noces de Cana, etc. mais ne s’arrêta dans aucun de ces lieux, pas même au Temple dont il annonça la destruction. Il se retirait dans des endroits déserts pour prier, il conseillait même de prier dans notre chambre en toute discrétion. La Samaritaine lui demanda quel était le lieu saint où il était bon de prier : « Vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui répondit que, désormais, le lieu n’avait plus guère d’importance : « L’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père » (Jn 4,20.23). Jésus annonce le Temple nouveau « qui ne sera pas fait de main d’homme » (Mc 14,58) et saint Jean précise : « Il parlait du sanctuaire de son corps » (Jn 2,21).

Le château intérieur

Dans le judaïsme, la règle du minian énonce que lorsque dix hommes adultes sont rassemblés, ils forment une assemblée et peuvent réciter les prières des offices ou des liturgies. À nous, chrétiens, Jésus a dit : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18,20).

L’oraison carmélitaine nous invite à trouver ce lieu saint des vrais adorateurs au-dedans de nous : « Celles d’entre vous qui pourront s’enfermer ainsi dans ce petit ciel de notre âme – où habite celui qui a créé le ciel et la terre – […] peuvent croire qu’elles suivent une voie excellente », écrit sainte Thérèse d’Avila à ses sœurs carmélites. Et saint Jean de la Croix renchérit : « Dieu est donc caché dans notre âme, et c’est là que le vrai contemplatif doit le chercher, en disant : “Où es-tu caché ?” Eh bien donc, ô âme, […] tu es toi-même la demeure où il habite, la retraite où il se cache ». C’est pourquoi nous pouvons prier en tout lieu, dans notre chambre comme sur la place Saint-Pierre, dans le silence du désert comme dans le brouhaha du métro, à genoux devant le tabernacle ou au volant de notre voiture dans un embouteillage.

Présence réelle, signes

« Il est là ! »

disait le saint Curé d’Ars en enfermant l’hostie consacrée dans le tabernacle. Dieu, qui remplit l’univers, se rend réellement présent dans un petit morceau de pain qui devient son Corps. Car, s’il nous invite à vivre par la foi et dans la foi, Dieu sait aussi que nous avons besoin de signes pour soutenir notre ferveur. C’est tout le sens de ces gestes qui nous aident à incarner, dans notre corps et notre environnement, les réalités invisibles : la beauté des églises, les calvaires au bord de nos routes, les croix dans nos maisons, notre coin-prière joliment décoré…

« Il est là »

, il habite nos églises, nos maisons et nos cœurs jusqu’à la fin du monde, après avoir foulé de ses pieds nos chemins humains. Dans l’attente de la Jérusalem céleste, cultivons notre âme de pèlerins : aimons cette terre que nous parcourons, mettons tout en œuvre pour la rendre plus belle et plus paisible, tout en sachant que nous n’y sommes que de passage.

 

Bénédiction d’une maison

Tu es béni, Dieu notre Père, toi qui as protégé les maisons des hébreux par le sang de l’Agneau pascal, tu nous as donné en ton Fils Jésus l’Agneau véritable qui nous sauve par sa mort. Nous t’en prions : protège, réconforte et défends ceux qui habitent cette maison.

Tu es béni, Seigneur Jésus ressuscité, toi qui es entré au soir de Pâques dans la maison d’Emmaüs, avec deux de tes disciples, nous t’en prions : entre et demeure dans cette maison, manifeste ta présence à ceux qui s’y trouvent.

Tu es béni, Esprit Saint, toi qui es partout présent et qui fais de nous ta demeure, nous t’en prions : fais vivre dans l’amour ceux qui habitent sous ce toit et ceux qui y seront accueillis.

Prière de bénédiction 491E

 

La citation

« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. […] Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.  »

Psaume 22, 1-4.6

 

 

Pour aller plus loin…

Rien que pour aujourd’hui :

  • Est-ce que je me sens être déjà un « citoyen des Cieux » puisque c’est là que je passerai mon éternité ?

  • Est-ce que je me sens libre intérieurement de « quitter mon pays » comme Abraham pour le lieu que Dieu m’indiquera ?

  • Est-ce que je me laisse désinstaller de mon confort, de mes habitudes pour oser la rencontre ?

  • Je peux prier avec sainte Thérèse pour trouver en moi ce lieu saint où Dieu veut me rencontrer : « Ta Face est ma seule Patrie. Elle est mon Royaume d’amour. Elle est ma riante Prairie » (Mon ciel ici-bas, PN 20, § 3).

Lectures

  • Ménage spirituel de notre maison, Discerner – Trier – (Re)jeter, Anne Lemaître, EdB.

  • Une terre et des hommesLire la Bible autrement, Étienne Dahler, EdB.

Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).

Oraison

Ces articles sur la vie d'oraison sont extraits du bulletin mensuel "Il est là !" publié à l'usage des membres de la Communauté des Béatitudes et de leurs amis. Il est rédigé par un collectif de laïcs, prêtres, frères et sœurs consacrés, membres de la Communauté, avec le désir de stimuler la vie de prière, essentielle à la vocation aux Béatitudes comme à toute vie chrétienne authentique... C'est pourquoi nous sommes heureux de vous partager ces contenus simples.

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