Dans la vie spirituelle, en particulier l’oraison, nous pouvons connaître des moments de sécheresse. La prière devient lourde et ennuyeuse, on ne ressent pas grand-chose, les pensées vont dans tous les sens sans réussir à se fixer, le temps passe bien lentement… Les raisons de cette aridité peuvent être diverses.
Sécheresse à combattre
Une première cause possible est une certaine paresse spirituelle. Les fleurs d’un jardin qui n’est pas assez arrosé finissent inévitablement par se flétrir. Est-ce que nous sommes suffisamment attentifs à donner à notre âme ce dont elle a besoin pour se maintenir éveillée et fervente dans le désir de Dieu ? Les formes de paresse spirituelle peuvent être nombreuses : peu de fidélité à la prière (moins on prie, moins on a envie de prier…), manque de vigilance pour fournir à notre âme ce qui peut la stimuler (lectures, retraites, enseignements nourrissants, accompagnement spirituel qui oblige à faire régulièrement le point sur sa vie, pratique sacramentelle, confession en particu-lier).
Une cause fréquente de la sécheresse est aussi la fuite de la croix : trop chercher ses aises et son confort, les satisfactions humaines ; ne pas accepter de bon cœur les contrariétés et les difficultés de la vie ; refuser tous les petits sacrifices par lesquels l’âme se fortifie.
Une autre cause peut être aussi de s’investir excessivement dans des liens affectifs, ou de trop se passionner pour telle ou telle activité (travail, sport, réseaux sociaux ou autre domaine, y compris l’apostolat parfois !) de sorte qu’il ne reste finalement plus beaucoup de place dans le cœur pour Dieu.
Derrière la paresse, il y a souvent des causes plus profondes. L’une d’elle est la peur de se livrer complètement à Dieu : nous pressentons très bien que, si nous nous mettons sérieusement à la prière, Dieu va s’attaquer à l’état de médiocrité dans lequel nous nous sommes installés. Ce qui peut rendre paresseux, c’est aussi un certain découragement : le sentiment de ne pas avancer, de traîner toujours les mêmes difficultés, de retomber dans les mêmes fautes. Pour redonner à l’âme du courage, il faut lui redonner de l’espérance, une confiance absolue dans la miséricorde de Dieu.
Causes psychologiques
Une seconde cause de la sécheresse peut être d’ordre psychologique. Un excès de fatigue, de tension, de stress, peut rendre la prière difficile voire impossible. Saint Jean de la Croix parle de « mélancolie » ; en termes modernes on parlerait de dépression, de burn-out, ou d’autres situations psychologiques dans lesquelles on n’a envie de rien ; une sorte d’apathie, de refus de vivre. Dans ces cas, il faut bien entendu commencer par remédier autant que possible à ces problèmes humains, avant d’aborder la question sur le plan spirituel. On parle parfois trop facilement de « nuit spirituelle » dans des situations qui n’ont pas grand-chose à voir avec cela.
Une permission de Dieu
La troisième cause possible de la sécheresse est d’ordre spirituel. Les difficultés et pauvretés dans l’exercice de la prière sont une invitation à fonder son rapport à Dieu non plus sur les goûts ressentis, les représentations et images sur lesquelles on avait coutume de s’appuyer, mais davantage sur un acte de foi. Ce que l’on peut sentir ou goûter de Dieu n’est pas Dieu ; de même ce que l’on peut imaginer ou se représenter de Dieu n’est pas Dieu. Pour un contact plus profond avec Dieu, que seule la foi peut donner, il est donc nécessaire de passer par une certaine privation des expériences sensibles et des représentations de l’imagination. Elles ne sont pas mauvaises, mais on risque de s’y enliser, alors qu’en cheminant par la foi simple et pure, on se trouve sur un chemin beaucoup plus sûr.
À cette sécheresse permise par Dieu, il faut simplement consentir. Cela n’est pas confortable, mais c’est l’occasion d’exercer une foi plus forte et pure, car elle s’appuie sur Dieu seul.
Selon Jean de la Croix, cette entrée dans la sécheresse est souvent liée à une évolution de la vie de prière, le passage de la « méditation » à la « contemplation ». Il s’agit d’entrer progressivement dans une forme de prière où l’activité humaine est beaucoup plus réduite, plus simple, davantage réceptive qu’active. La prière devient simple attention générale et aimante à Dieu, sans émotions ni représentations particu-lières pour la soutenir.
Jean de la Croix donne trois critères permettant de reconnaître ce type de sécheresse, qu’il faut tenir ensemble. Le premier est que, alors qu’elle y trouvait auparavant joie et plaisir, l’âme éprouve une grande difficulté et répugnance à méditer, réfléchir, prier en considérant telles ou telles réalités particulières. Le deuxième est que cette difficulté à méditer ne provient ni de la paresse évoquée plus haut (car alors la personne a par contre une forte envie de s’occuper à mille autres choses que Dieu) ni des formes d’apathie psychologique dont nous avons parlé. Le troisième critère est que la personne, malgré la pauvreté de sa prière, n’a pas vraiment le désir de s’intéresser à autre chose que Dieu (elle garde un grand souci pour Dieu, une crainte de ne pas l’aimer assez) et elle commence à ressentir une inclination à rester tranquille, silencieuse, sans activité particulière sinon une attention générale et aimante du cœur vers Dieu. Elle peut avoir quelque scrupule à suivre cette inclination, car elle a l’impression qu’elle ne fait rien, mais elle doit aller dans ce sens. La sensibilité peut être aride, les pensées errer à droite et à gauche comme elles en sont coutumières, mais le fond du cœur est présent par une attitude simple et aimante d’attention à Dieu. Il y a donc vraie prière, acte authentique de foi et d’amour, qui peu à peu s’approfondit et devient très fécond.
La sécheresse est parfois un problème auquel il faut remédier, mais elle peut être aussi une grande grâce, la porte d’entrée de la contemplation, c’est-à-dire d’une prière plus dépouillée, plus simple, plus réceptive, en laquelle Dieu se communique en secret à l’âme et l’enrichit de grands biens.
La Citation
« Si nous acceptons les épreuves spirituelles, ce n’est pas par le désir de parvenir à la perfection, cela comporterait une certaine exaltation du moi. C’est pour nous soumettre au plan de Dieu en vue d’accomplir sa volonté. » Père Matta el-Maskîne
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(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).
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