« Allez dans la paix du Christ », la Messe est terminée… mais on peut comprendre : « Vivez dès maintenant, dans votre vie quotidienne, ce que vous avez reçu. » Après tout temps de prière – adoration, offices, Eucharistie, etc. – arrive le moment où nous quittons le temple, le sacré, le Thabor, pour descendre dans le profane, dans la vie et les soucis de chaque jour. Comment faire oraison, comment garder alors le contact avec Dieu ?
Garder le contact
Tout en étant conscient de la différence entre le monde profane et le sacré, le christianisme a porté la révolutionnaire nouveauté d’unir ces deux dimensions de l’existence. Le sacré pénètre le monde profane par l’Incarnation du Christ : Dieu mange, Dieu se salit, Dieu marche et se déplace, Dieu s’habille, Dieu travaille, etc. Quelle bonne nouvelle ! Dieu est présent dans notre quotidien. Ainsi, nous pouvons garder le contact avec lui en toutes circonstances. Il est nécessaire de nous rappeler cette vérité car l’être humain a tendance à séparer, à classifier, à se tenir à une certaine distance de Dieu. Cela fait écho à la peur fondamentale que nous relate le livre de la Genèse : « Nous avions peur de toi et nous nous sommes cachés » (cf. Gn 3,10). Or notre Dieu est le Dieu de la rencontre et de la communion. Il est celui qui vient nous chercher là où nous sommes, fut-ce au plus profond de l’enfer : « Pour toi, moi, ton Dieu, je me suis fait ton enfant ; pour toi, étant Seigneur, j’ai assumé ton apparence d’esclave ; pour toi, moi, qui suis par-dessus les cieux, je suis venu sur terre, et encore sous la terre » (ancienne homélie sur le saint et grand shabbat).
Dans une homélie prononcée à Gênes le 27 mai 2017, le Pape François affirmait : « La prière chrétienne n’est pas une façon de rester un peu plus en paix avec soi-même ou de trouver quelque harmonie intérieure ; nous prions pour tout apporter à Dieu, pour lui confier le monde : la prière est intercession. Elle n’est pas tranquillité, elle est charité. C’est demander, chercher, frapper (cf. Mt 7, 7). » Certaines spiritualités courent le risque de faire une différence erronée entre sacré et profane, réduisant l’oraison à la recherche d’une tranquillité psychologique ou à une harmonie intérieure, coupée de la vie. Le Pape nous rappelle que « nous prions pour tout apporter à Dieu ».
Telle est la clé pour garder le contact avec Dieu au cœur de nos activités : la vie même. Car la vie est le milieu où surgissent et se nourrissent notre prière et notre contact avec lui. Celui qui prie n’est pas celui qui est coupé du monde, mais celui qui sait vivre le réel, le moment présent, à chaque instant, et y trouver la présence mystérieuse et cachée, mais tellement réelle, de Dieu. Dans une récente lettre adressée aux catholiques allemands (29 juin 2019), le Pape François dit que pour réveiller la passion pour le Royaume, l’annoncer et le porter aux plus démunis, il nous est demandé de « développer le goût spirituel de demeurer près de la vie des gens, jusqu’au point de découvrir que cela est source d’une joie supérieure ». Le quotidien, avec ses soucis, ses difficultés, parfois son activisme, et aussi ses joies « mondaines », est le lieu où cette découverte d’un goût spirituel, d’une joie supérieure, est rendue possible. Faire cette expérience donne une nouvelle lumière au commandement de Jésus de veiller et prier en tout temps (cf. Lc 21, 36). Saint Paul recommande aussi : « Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications » (Ep 6, 18). En tout temps, pas seulement pendant l’heure d’adoration ou quand vous êtes dans la chapelle, dans le silence… En tout temps, c’est-à-dire également dans le quotidien de votre vie…
Garder le feu
Comment faire pour garder le contact avec Dieu ? La réponse est simple : nous devons réapprendre à vivre notre quotidien. Deux attitudes nous aident à cette conversion : cultiver un esprit d’émerveillement et rechercher du sens en toute chose.
Cultiver un esprit d’émerveillement
Le philosophe chrétien Francesc Torralba dit que « la surprise est le début du questionnement et le fondement du développement de la connaissance dans toutes ses facettes. Celui-ci exige, nécessairement, l’interrogation, le questionnement sur le sens et l’origine des choses, l’étonnement face au fait d’exister. Quand tout cela bat profondément dans l’être humain, bat en lui la vie spirituelle ». Cette capacité de s’émerveiller rend possible une vie spirituelle d’oraison, nous ouvre la porte pour entrer dans le Royaume. Elle est le secret des petits enfants : « Je vous le dis en vérité, si vous ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18, 3).
Rechercher du sens
L’autre attitude qui permet de garder le contact avec Dieu consiste à chercher le sens de tout ce que nous faisons. Le psychologue juif Victor Frankl affirmait que la « volonté de sens » est un désir fondamental : donner du sens à la vie, avoir une existence significative, trouver une raison, une motivation qui vaille la peine de vivre.
Francesc Torralba met en relief que le sens de la vie englobe au moins trois dimensions : le sens des multiples événements qui constituent notre existence (cela suppose que la vie, avec ses haut et ses bas, possède une logique) ; la direction de notre vie (cela suppose la possibilité d’un accomplissement) ; le lien avec la valeur de la vie et la joie.
Dans la multitude des choses que je fais au long de la journée, quel est le sens de chacun de ces engagements ? Pourquoi fais-je tout cela ? Ai-je vraiment choisi de le faire, même si certains aspects de ces engagements me sont imposés par la vie ? Est-ce que je sais y reconnaître un appel de Dieu ? Est-ce que je me sens missionné dans mon quotidien ?
Ces questions peuvent m’aider aussi à faire un choix dans les activités que je réalise. Si je me laisse conduire par l’existence sans y trouver du sens, alors ma vie est vide, et j’ai un urgent besoin de prier l’Esprit Saint : « Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs » (Séquence de Pentecôte).
En travaillant ces attitudes, je pourrais garder un feu intérieur, celui que la grâce allume dans les moments sacrés de rencontre avec le Seigneur. Dans une logique de communion et d’unité, sphère sacrée et sphère profane ne sont pas opposées mais se nourrissent l’une l’autre. La vie est source de spiritualité et d’oraison. En même temps, la vie de prière va nous aider à vivre le quotidien en Dieu. Ainsi, tous les moyens qui nous aident à nous unir davantage au Christ, à être plus dociles à l’Esprit Saint, vont nous aider à faire de la vie même le lieu de rencontre avec le Seigneur et les autres.
Allons dans la paix du Christ !
« Peut-être que la simplicité et l’humilité des choses de la vie apaisent nos peurs et notre besoin de sécurité, peut-être que la nature prosaïque de ce qui est ordinaire contribue à apaiser nos âmes, à nous faire sentir que nous sommes sur un terrain familier, ce qui permet à Dieu de se rendre présent. » Francis Martin
Pour aller plus loin…Rien que pour aujourd’hui :Voici quelques moyens simples et rapides auxquels nous pouvons avoir recours pour faire oraison :
Livres
|
Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).