Dans l’élan missionnaire estival et à la suite des témoignages des frères, nous vous proposons, tout au long de l’été, de découvrir le témoignage de sœurs aînées de la Communauté des Béatitudes… Elles nous relatent quelques souvenirs épiques de ces débuts de la Communauté.
MISSION #2
Sr Lorette : Après 60 ans de vie consacrée…
Entrée en Communauté en 1980, elle est envoyée au Liban pour fonder une maison. Âgée de 93 ans, Sr Lorette vit actuellement dans notre maison de Nay en France et garde toujours un cœur missionnaire même si elle vit la mission autrement.
Après plus de 60 ans de vie consacrée, dont la moitié en mission, j’aurais beaucoup de très belles choses à partager. J’ai choisi de témoigner d’une eucharistie vécue au Liban le jour de Pâques 1989. La guerre syro-libanaise battait son plein. Tous les jours, les canons arrosaient le pays, et notre village de Mayrouba (1250 mètres) n’était pas épargné. Cette année-là, la veillée pascale avait été supprimée en raison du danger. Il n’y avait personne dehors… et malgré cela, des amis étaient venus pour célébrer la Pâque avec nous. Nous avions passé une belle soirée à prier, chanter, danser et à partager de bonnes choses ! Le lendemain, nous avions décidé d’aller fêter Pâques chez nos voisins grecs catholiques. La liturgie très belle, très riche, nous transporte au Ciel : l’Evangile de Pâques est proclamé en autant de langues que possible, ce jour-là, en 15 langues : grec, latin, hébreu, arabe, araméen, français, anglais, italien, espagnol, russe, et j’en oublie… Et, surprise ! C’est à ce moment-là que se sont invités les « orgues de Staline ». Imaginez 40 tuyaux d’orgue d’approximativement dix centimètres de diamètre, groupés en faisceau sur une plate-forme de camion, et qui crachent 40 obus en quelques secondes, dans un bruit assourdissant ! Pas de panique… la liturgie se poursuit. Les Syriens bombardent et le Liban riposte. Grâce à Dieu, ni l’église, ni les voitures garées devant, n’ont subi de dégâts. Nous étions réellement en danger, mais je peux assurer que, pour ma part, je n’avais pas peur. Cela aurait été trop beau de passer de l’Eucharistie au Ciel ! mais ce n’était pas notre heure. A la fin de la liturgie, nous étions presque déçus d’avoir raté une si belle occasion d’aller au Ciel !
A côté de notre maison, il y avait une batterie de 5 canons qui ripostaient aux tirs syriens. Nous entendions le bruit d’obus qui passaient au-dessus de nos têtes. Les vitres tremblaient, nous aussi, je pense… mais nous n’avons jamais eu un éclat d’obus sur une vitre ou sur les voitures à l’extérieur. Et pourtant, le lendemain, nous pouvions récolter plein d’éclats d’obus ! Sans rien connaître à l’artillerie, nous étions devenues expertes : « c’est un départ – c’est une arrivée ! » Nous avions « miné » notre maison : médailles miraculeuses tout autour, et, sur le conseil de nos sœurs carmélites, nous avions ajouté un scapulaire du Mont Carmel aux quatre coins !
Le jour où les « orgues de Staline » sont tombés sur le village, tous les gens s’étaient réfugiés dans l’église paroissiale, car ça tirait beaucoup. Nous avons su le lendemain qu’il n’y avait pas eu un seul blessé, pas une seule maison touchée. Les obus étaient tombés entre les maisons et quelques-uns n’avaient pas éclaté.
Sr Lorette