Le Magnificat
Le Magnificat est la prière de Marie comme le Notre Père est celle de Jésus. Il s’agit de la mémoire du Salut de Dieu par l’Incarnation. Cette prière éminemment théocentrique, typiquement juive et semblable aux chants de Myriam, Débora, Anne et Judith, est la confession de la foi pure d’Israël qui accueille le Messie. Elle accomplit la vocation d’Israël, « royaume de prêtres » (Ex 19,6) de chanter Dieu (Yashir-El). Elle n’est pas nécessairement dite en musique, mais ses antécédents bibliques et l’éminence de son contenu recommandent au moins le chant de l’esprit et du cœur. Elle constitue en effet la plus belle louange pour l’Incarnation du Fils, inspirée par l’Esprit de Dieu et composée par celle qui lui donna sa chair. Une anticipation des béatitudes. Dans la liturgie, le Magnificat constitue le texte évangélique donc en réalité le sommet de chaque office de vêpres (chez les Byzantins, chaque orthros, office du matin). Puisque ce cantique est si fréquent, il semble bien opportun d’en approfondir toujours plus la compréhension. Qu’il soit à chaque fois le « chant nouveau »participant déjà, avec un cœur nouveau et un esprit nouveau, à la liturgie céleste.
Le texte
La vérité de l’Esprit jaillissant de la symphonie des sources, nous donnons ici la traduction du texte araméen fixé au IIème siècle (Vetus Syra) : cf. Bonus.
Le contexte
Marie entonne sa prière suite à trois moments :
- elle a été recouverte de l’ombre de l’Esprit et a accueilli en elle l’Incarnation du Fils de Dieu ;
- par charité, elle a parcouru 130 kms à pied alors qu’elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte ;
- cette visite vient de provoquer une effusion de l’Esprit chez Élisabeth, qui loue Marie et prononce aussi sur elle la béatitude de la Foi. Par son chant, Marie répond en rapportant toute chose à Dieu.
1. Introduction (vv.46-47)
« le Vivifieur », signifiant que le salut est proposé à tous, et qu’il s’agit de davantage encore qu’une réparation du péché : la Vie de communion avec Dieu.
2. Action de grâce pour Marie (vv.48-50)
Marie magnifie le Seigneur. Dans toutes les langues bibliques, il s’agit de beaucoup plus que simplement « exalter » (« élever hors de », soit « éloigner ») ou seulement « proclamer la grandeur », ce qui serait essentiellement en paroles. Il s’agit de laisser en notre être la plus grande place possible à Dieu, nommé Seigneur quand on le laisse vraiment exercer sa Seigneurie en nos affections, projets et décisions. Plus Dieu est magnifié, plus l’être humain à son image l’est aussi. Qui ne magnifie pas Dieu va magnifier ses idées, ses idoles, et en général son ego. Magnifier Dieu est ce qui Lui permet de rendre notre vie féconde. Marie appelle ici Dieu « mon Sauveur », ce qui n’est pas une marque de privilège mais d’intimité. Elle est sauvée aussi, même sans aucune tâche de péché. L’araméen a ici littéralement « le Vivifieur », signifiant que le salut est proposé à tous, et qu’il s’agit de davantage encore qu’une réparation du péché : la Vie de communion avec Dieu.
2. Action de grâce pour Marie (vv.48-50)
Dieu se penche sur l’humilité de sa servante, comme lorsqu’Il sauve son peuple, et lorsque le Christ te voit du haut de la Croix.
En réponse, toi aussi, tu peux te pencher sur l’Enfant-Jésus pour l’aimer, sur l’hostie consacrée pour l’adorer, sur la parole divine pour la scruter, sur ton prochain pour le servir comme Marie aidant ensuite Élisabeth pendant des mois.
Le centre rhétorique de tout le passage est la sainteté du Nom divin (accomplissement de la prophétie d’Isaïe 12,4).
Au lieu de « en âge », l’araméen a « pour les générations » (synchronique) : la Miséricorde est proposée à la fois pour tous les temps et pour tous les lieux.
3. Septénaire des actions merveilleuses de Dieu pour tous (vv.51-55)
La Miséricorde ou grâce divine est l’inclusion qui enveloppe (vv.50.54) cette prière et en indique tout l’esprit.
Marie fait alors mémoire de sept bienfaits divins, en employant un temps grammatical (l’a-oriste, soit « non-limité ») signifiant ainsi qu’il s’agit d’actions définitives, non révolues, ayant des effets permanents.
Le mémorial sémitique rend présent sept œuvres ou merveilles de Dieu, comme le Notre Père demande sept autres merveilles. Les nombreux septénaires de l’Écriture expriment toujours une plénitude en ce monde.
- « La force de son bras » est selon les textes araméens « la victoire, ou l’autorité de son bras ».
- « Les superbes » sont littéralement (selon toutes les langues) « les orgueilleux en la pensée de leurs cœurs », car là est le siège de ce péché fondamental.
- « Les puissants » sont ceux qui usurpent la puissance vraie et bonne, qui est la prérogative de Dieu.
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La merveille centrale des sept est : « Il élève les humbles ». Marie « humble servante », sans tache (cf. Ct 4,7 ; 5,2) donc sans orgueil, « enveloppée du soleil » qu’est le Christ (Ml 3,20), au point d’avoir la lune, symbole des cornes de Baal et de toute autre idole avec le serpent (cf. Gn 3,15 Vg) sous les pieds, était l’être humain le plus apte à être ainsi élevé, la première, devenant le signe grandiose de la Miséricorde divine.
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« Les biens » sont plutôt « la bonté » même de Dieu, son essence. Ainsi les Samaritains par exemple appellent-ils jusqu’aujourd’hui le Messie : « le Bon ».
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Le texte araméen ne parle pas de dépouillement des mains, mais de la cause du renvoi des riches : la « vanité » ou réelle vacuité.
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Le secours d’Israël se dit avec le verbe azr (comme pour Lazare : « secouru par Dieu ») et indique comment Dieu agit : en se livrant à la place de son peuple.
Le texte araméen indique finalement comment Dieu est entré en vrai dialogue (mutuel) avec la descendance d’Abraham. Et pas seulement « à jamais » : le-olam signifie aussi bien « pour le monde [entier] ». Notre part est ici d’accepter ce dialogue désiré par Dieu, en Lui répondant par le Magnificat chanté avec le cœur.
Le texte (traduction littérale de la Vetus Syra) Lc 1 46 Mon âme magnifie le Seigneur, 47 et mon esprit se réjouit en Dieu le Sauveur 48 car il a regardé l’humilité de sa servante ; désormais en effet toutes les générations me diront bienheureuse 49 car il a fait chez moi de grandes choses, lui dont le nom est loué et saint 50 car sa grâce est pour les âges et sur les générations à ceux qui le craignent. 51 Il a agi puissamment par son bras et il a dispersé les pensées des cœurs des orgueilleux 52 il a fait descendre les puissants de leurs trônes et il a fait monter les humbles 53 il a empli les pauvres de sa bonté et il a dédaigné les riches, à cause de leur vanité 54 il a pris soin d’Israël, son fils, se souvenant de sa grâce 55 comme il avait parlé avec nos pères, avec Abraham et avec sa descendance pour toujours.
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La citation
«Avec les anciennes promesses, [Marie] annonce les nouvelles ; avec les paroles séculaires, elle proclame celles de la consommation des siècles, en quelques mots, elle récapitule tout le mystère du Verbe, Jésus-Christ. » (Saint Grégoire le Thaumaturge)
Pour aller plus loin…Rien que pour aujourd’hui
Moyen mnémotechnique : Il Agit-Disperse-Descend-Elève-Comble-Renvoie-Secourt. |
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