La vie éternelle (n°64)

« Jésus est le Sauveur ! ». Voilà le cœur du message chrétien, la Bonne Nouvelle qu’il porte au monde. Mais de quoi nous sauve-t-il ? Il nous sauve des conséquences du péché, à commencer par la mort éternelle. Notre vie ne s’arrête pas avec les battements de notre cœur, mais elle se transforme en une vie plus pleine encore, incomparablement plus réelle que la vie présente. Cette vie en plénitude reste mystérieuse, mais à la lumière de la Parole de Dieu, nous pouvons cependant en dire déjà quelque chose.

Pas un lieu géographique

Rappelons tout d’abord que le « Ciel » n’est pas un lieu géographique mais un état : celui de la « Vie en surabondance » (Jn 10,10). Nous projetons souvent la réalité du Ciel à partir de ce que nous connaissons de la vie ici-bas, en en soustrayant toute souffrance, toute pesanteur et toute mort. Cet anthropomorphisme est naturel, mais il oublie quelque chose d’essentiel : au « Ciel », le temps et l’espace sont abolis. Il ne faut donc pas imaginer le Ciel comme un nouveau jardin d’Éden, un immense et merveilleux parc ensoleillé, où nous déambulerions, jeunes et joyeux, vêtus d’une longue tunique de lin blanc. Le « Ciel » est un nouveau mode d’existence, pleinement accompli et libre. Aussi est-il préférable de parler de la « Vie éternelle » ou plus simplement encore de la « Vie », c’est-à-dire de la Vie en plénitude. Cette Vie sera à l’image de celle du Christ : un état personnel de pleine communion au Père dans l’Esprit Saint. Voilà notre avenir. Voilà notre espérance.

Le Christ est notre Vie éternelle

« Le Christ ressuscité est le lieu de la vraie Vie » écrit le Cardinal Ratzinger, reprenant saint Jean : « Jésus-Christ est le Dieu véritable et la Vie éternelle » (1 Jn 5,20). Jésus le révèle clairement. « Je suis la Résurrection et la Vie » (Jn 11,25) ; « Je suis la Vie » (Jn 14,6). C’est plus que s’il disait simplement « j’apporte, j’offre (la Vie éternelle) ». Il s’identifie Lui-même avec notre Vie éternelle. Le Christ est personnellement notre Vie en plénitude. Il est la Vie du monde. Jean l’identifie clairement : « Cette Vie éternelle qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue » (1 Jn 1,2). Paul fait de même : si nous avons été créés « par Lui et pour Lui », nous « subsistons en Lui » (Col 1,15s). « En Lui » insiste saint Paul : le Christ est notre « subsistance » éternelle, notre survie. En Colossiens 3, l’apôtre insiste sans équivoque : « Vous êtes morts et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui plein de gloire » (Col. 3, 2-3). Voilà l’objet de la Révélation. Dieu s’est fait chair pour notre salut. Mais dans le Christ, Dieu n’a rien d’autre à offrir que Lui-même : il est notre salut, il est notre Vie éternelle.

La circulation d’amour de la Trinité

En Jésus, et par Lui, nous devenons partie prenante du mouvement d’amour qu’est la Trinité. Le Catéchisme de l’Église Catholique souligne ce lien étroit entre le fait que Dieu soit Trine et notre Vie en plénitude : « Dieu révèle son secret le plus intime : Il est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part » (§221). Cela ne veut pas dire que nous sommes la seconde Personne de la Trinité (!) mais que notre rapport aux Personnes de la divine Trinité est semblable à celui de la seconde Personne (le Christ). Le Christ est en quelque sorte notre « place » dans la Trinité. « Ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi » prie Jésus, s’adressant à son Père, juste avant sa mort (Jn 17,24). Ce « là où je suis », c’est sa Personne même, au sein de la Trinité. Créés en Lui, nous sommes appelés à ressusciter en Lui.

Le Ciel est donc cet état de communion parfaite avec Dieu, état pour lequel nous fûmes créés et dont découle notre bonheur. La « Vie éternelle » est « Vie » et « éternelle » parce qu’elle est participation à la vie intra-trinitaire du Christ. Nous serons « participants de sa nature divine » (2 P 13s). À l’image du Christ, nous aimerons enfin le Père comme le Fils l’aime. Nous nous recevrons totalement du Père, comme le Fils se reçoit totalement du Père dans l’Esprit Saint. Nous nous saurons aimés de Lui comme le Fils se sait aimé du Père. Et cet Amour est la Personne de l’Esprit Saint, qui nous sanctifie. Dieu sera alors « tout en tous » (1 Co 15,28), c’est-à-dire que nous serons totalement habités et comblés de l’amour du Christ pour son Père, par l’Esprit. Cette soif infinie d’amour qui habite nos cœurs sera enfin comblée.

Dès ici-bas ?

Déjà par son Incarnation, le Christ nous introduit dans cette relation filiale au Père : il nous demande d’appeler Dieu « Abba », « Père » (« Quand vous priez, dites Notre Père… »), par sa Passion, il nous en rend dignes, et par le don de son Esprit Saint, il rend actuelle cette filialité. « La preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père » (Ga 4,6). Recevant l’Esprit du Fils, nous sommes fils à notre tour, fils adoptifs dans le Fils unique et éternellement engendré. Dieu vient donc sur terre pour nous introduire dans sa Famille (divine, trinitaire).

Si cette « filialité adoptive » dans le Christ sera révélée au Ciel, déjà par l’Église nous l’anticipons, et sommes sur cette terre membres du Corps du Christ. Nous nous efforçons, malgré nos ténèbres, d’être autant que possible un seul corps et un seul cœur avec le Christ. Mais, chrétiens, nous savons bien que « pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire » (Ph 3, 20-21). L’Incarnation de la deuxième Personne de la Trinité est pour nous une promesse : la promesse du Jour où « par Lui, avec Lui et en Lui » nous rendrons au Père honneur et gloire, dans l’unité du Saint-Esprit. En Lui.

Revenons ici-bas, au point d’impact du Ciel sur la terre : l’Eucharistie. Réalisons-le un instant : c’est mon Ciel que je tiens dans la paume de ma main lorsque je reçois du prêtre l’Hostie consacrée. C’est ma Vie éternelle que je mange (« Qui mange ma chair a la Vie éternelle », Jn 6,54), ma condamnation si je le dénie (« Il mange et boit sa propre condamnation », 1 Co 11,29). C’est mon Ciel qui se cache dans le confinement précieux des taber-nacles de nos églises abandonnées, dans un dépouillement et une humilité totale. Il ne peut en être autrement, car la terre ne pourrait contenir autrement le Ciel, ni la création son Créateur. Adorons-le !

Prière d’un auteur anonyme

« Ce qui se passe de l’autre côté, quand tout pour moi aura basculé dans l’Éternité. Je ne le sais pas ! Je crois, je crois seulement qu’un grand Amour m’attend. Je sais pourtant qu’alors, pauvre et dépouillé, je laisserai Dieu peser le poids de ma vie. Mais ne pensez pas que je désespère. Non, je crois, je crois tellement qu’un grand Amour m’attend. Maintenant que mon heure est proche, que la voix de l’Éternité m’invite à franchir le mur, ce que j’ai cru, je le croirai plus fort au pas de la mort. C’est vers un Amour que je marche en m’en allant, c’est vers son Amour que je tends les bras, c’est dans la vie que je descends doucement. Si je meurs ne pleurez pas, c’est un Amour qui me prend paisiblement. Si j’ai peur ? Et pourquoi pas ! Rappelez-moi souvent, simplement, qu’un Amour m’attend. Mon Rédempteur va m’ouvrir la porte de la joie, de sa Lumière. Oui, Père ! Voici que je viens vers toi comme un enfant, je viens me jeter dans ton Amour, ton Amour qui m’attend. »

 

La citation

« Il y a ce matin sur les arbres, les murs et dans le ciel, une lumière si tendre qu’elle semble s’adresser aux morts plus qu’à nous – à moins que ce ne soient les morts qui nous l’envoient, comme on écrit une lettre rassurante à des parents un peu inquiets.  »

Christian Babin

 

 

Pour aller plus loin…

Rien que pour aujourd’hui :

  • Je peux prendre le temps avec le Seigneur pour visiter mes éventuelles peurs de la mort.

  • Je peux demander au Seigneur de me donner la grâce de voir le Ciel avec ses yeux, de l’espérer avec son cœur, de le vivre dès aujourd’hui.

Lectures

  • Ce qui nous attend après la mort, Nathanaël Pujos, Ed. Parole et Silence, 2018 (seconde édition).
  • Traité du Purgatoire, sainte Catherine de Gênes.

Film : 

  • Eternam, un film sur la vie éternelle.

Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).

Oraison

Ces articles sur la vie d'oraison sont extraits du bulletin mensuel "Il est là !" publié à l'usage des membres de la Communauté des Béatitudes et de leurs amis. Il est rédigé par un collectif de laïcs, prêtres, frères et sœurs consacrés, membres de la Communauté, avec le désir de stimuler la vie de prière, essentielle à la vocation aux Béatitudes comme à toute vie chrétienne authentique... C'est pourquoi nous sommes heureux de vous partager ces contenus simples.

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