La prière du cœur, ou « prière continuelle », trouve son origine dans l’invitation de saint Paul aux chrétiens de Thessalonique : « Priez sans cesse ! » (1 Th 5, 17)
Spontanément, quand nous évoquons la prière du cœur, nous pensons à la prière des moines, mais aussi aux Récits d’un Pèlerin russe et à la prière de Jésus. Il y a plus de quarante ans, beaucoup de chrétiens en Occident (dont notre Communauté), découvrirent avec émerveillement la tradition orthodoxe : les icônes, la liturgie byzantine, quelques saints fameux de l’Orthodoxie comme notre Père saint Séraphim de Sarov et bien sûr la Petite Philocalie de la Prière du cœur.
La prière de l’Esprit Saint dans notre cœur
On identifie fréquemment la prière du cœur à la « prière de Jésus » (ou à Jésus) car c’est lui qui est sollicité à travers cette courte invocation « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur », rythmée souvent sur la respiration. Peut-être faut-il reconnaître que la prière du cœur est plus large dans le temps et l’espace que celle-ci ? Assurément, la prière continuelle ne s’identifie pas à une seule formule, car celles-ci peuvent être extrêmement variées et diverses. Ces dernières peuvent se décliner sur la formule traditionnelle, citée plus haut, mais peuvent également se concentrer sur un seul mot, celui de « Jésus » ou celui de « Abba ». Certains peuvent encore utiliser la parole « Ruah » (Esprit), qui agit comme une épiclèse intérieure, dans l’appel de l’Esprit dans nos cœurs. Bien sûr, ces formules reçues parfois de manière très personnelle dans la prière doivent-elles être soumises et confirmées par le Père spirituel. Un frère convers très simple parvint à la prière continuelle par la seule invocation : « Jésus, Marie, Joseph ». In fine, la prière continuelle n’est-elle pas celle de l’Esprit Saint en nous ?
La méthode, un chemin d’union à Dieu
Une méthode, aussi inspirée soit-elle, n’est jamais une fin en soi. Elle est un chemin parmi d’autres, le but étant de conduire à l’union avec Dieu.
Outre cette recherche et cette action de Dieu, cette méthode n’a-t-elle pas pour objet de maîtriser les pensées ? En d’autres termes, comment simplifier et canaliser cette agitation intérieure perpétuelle, pour la rediriger vers Dieu ? Une courte invocation (récitée seule) peut donc être un appui et un rempart contre le parasitage des pensées intérieures bouillonnantes.
Chaque mot dans cette formule a son importance, pour entrer progressivement dans cette communion divine, et « nous en rendre captifs ». On peut comprendre que la prière, pour de nombreux spirituels (« animés par le Souffle »), était devenue aussi naturelle que le souffle de la respiration, en toute leur vie, dans les activités les plus humbles de leur vie, comme dans leur sommeil. Comme le dit le Cantique des Cantiques :
« Je dors mais mon cœur veille » (Ct 5, 2).
La philocalie ou l’appel à la beauté
Que signifie le mot « Philocalie » ?
En grec, c’est l’amour de la beauté, qui se confond avec le Bien (Kalos). Cette beauté spirituelle est celle de Dieu, qu’il désire ciseler dans nos cœurs par son Saint-Esprit. C’est aussi celle de la grâce baptismale qui croît dans sa pleine vocation. Nous sommes faits pour la beauté divine, car Dieu est infiniment beau. Comment Dieu, par le Saint-Esprit, n’y travaillerait-il pas intensément, puisque nous sommes devenus « théophores » (« porteurs de Dieu ») ?
La prière continuelle a non seulement un aspect pédagogique (technique) pour lutter contre les pensées mais elle est avant tout une profession de foi théologique et même trinitaire.
Tel est le cas de la formule : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi (pécheur) ». Selon une explication des Pères : le « Seigneur » fait référence à l’Esprit Saint sans lequel nous ne pouvons dire : « Jésus est Seigneur » ; « Jésus » se rapporte au Sauveur ; « Fils de Dieu » se rattache au Père.
L’imploration « Aie pitié de moi, pécheur » est celle du publicain justifié par le Seigneur dans l’Évangile selon saint Luc (cf. Lc 18).
La prière de chacun est faite de régularité et de fidélité, à travers les épreuves et, disons-le, l’effort. En effet, le temps de la croissance passe par une pratique humble et patiente. Il ne faut pas se décourager, mais persévérer comme la pauvre veuve de l’Évangile.
Conclusion
Oui, la prière est un travail laborieux, elle n’est pas magique ! Elle est l’œuvre de Dieu en nous, avec la contribution de « nos deux piécettes ». Le chapelet (tchotki) est, pourrait-on dire, la « navette à tisser la prière ». Qui ne le portait pas au début de la Communauté ?
La répétition du Nom (ou de la courte prière) rassemble notre cœur, ferme la porte aux pensées « mondaines » et aux distractions, et nous introduit dans la Présence.
Puisse l’Esprit Saint conduire nos cœurs vers une prière de plus en plus simple et profonde…
« La prière du cœur consiste simplement à trouver cette attitude grâce à laquelle le Père pourra lui-même sanctifier son Nom en moi. » Un Chartreux
Au sujet de l’hésychia
Le mot « hésychasme » vient du grec « hésychia » qui signifie « silence-repos », cette tranquillité et immobilité en Dieu. La prière du cœur est plus large que la prière hésychaste. C’est à partir du XIIIème siècle que l’on va parler, surtout dans le monde byzantin, de la prière « hésychaste ». Ce courant monastique est sorti de l’ombre par ladite querelle hésychaste au XIVème siècle entre saint Grégoire Palamas et Barlaam le Calabrais. Elle se développe au Mont Athos, dans le désert du Sinaï, au monastère sainte Catherine, puis au XVIIIème siècle dans les monastères russes, slaves et roumains. Toutefois, le recueil de la « Philocalie » donne la parole et fait entrer dans l’expérience des moines dès les premiers siècles de l’ère chrétienne avec saint Antoine d’Égypte, jusqu’aux compilateurs grecs du tout début du XIXème siècle, qui ont rassemblé ce trésor disparate. |
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