Discerner l’action de Dieu (n°73)

Une action unique

Discerner l’action de Dieu dans notre vie est la « grande affaire » de notre existence. Telle devrait être notre préoccupation principale. Notre désir de sainteté ne peut s’incarner que si nous nous ajustons à la volonté de Dieu. Apprendre à discerner son action dans nos vies nous permet de poser des choix libres qui correspondent à l’appel qui repose sur chacun d’entre nous. Tout être est unique et Dieu manifeste son action de façon différente pour chacun. L’apprentissage de ce discerne-ment est essentiel.

Le discernement, c’est quoi au juste ?

Quand la Bible parle de discernement, elle distingue deux actions contraires dont les effets se font sentir dans le monde et en nous. D’un côté, il y a l’action de Dieu ; celle-ci donne la vie et opère le salut de l’homme. De l’autre, il y a l’action du « prince de ce monde » qui tente de détruire l’œuvre du Seigneur. L’Écriture nous apprend à reconnaître l’action de Dieu. Celle-ci se vérifie aux effets qu’elle produit. Le passage de Dieu dans nos vies se reconnaît à ses fruits, à certaines qualités de l’existence humaine : lumière, amour, vie, paix, joie, unité vécue entre croyants, foi en Jésus-Christ. Surtout, elle se vérifie dans la capacité à vivre l’amour fraternel.

Dès les premiers écrits chrétiens et le début de la vie monastique, le thème du discernement des esprits a une grande place, en particulier en lien avec le thème du combat spirituel. Il convient de repérer l’action du bon et du mauvais esprit.  Il s’agit de discerner l’origine des inspirations reçues. Ceci demande une vigilance (nepsis) sur les pensées et les mouvements du cœur. Une attention est ainsi portée à la naissance des pensées, à leur évolution et au fruit qu’elles portent. Jusqu’au 17ème siècle, le terme discretio, traduit par le mot « discernement » a deux sens : d’une part, le discernement spirituel qui permet de distinguer l’action du bon esprit de celle du mauvais esprit, c’est-à-dire ce qui rapproche de Dieu ou ce qui en éloigne ; d’autre part, la juste décision pour réaliser la volonté de Dieu, avec une notion de modération, d’équilibre entre deux extrêmes. La tradition monastique, en particulier bénédictine, a surtout retenu le second sens ; la tradition ignacienne, le premier.

Dans la tradition patristique orientale, Origène réfléchit sur l’origine des pensées : « Parfois, elles procèdent de nous-mêmes, parfois elles sont suscitées par les puissances adverses, parfois encore elles sont envoyées par Dieu ou les saints anges. » Au 5ème siècle, Diadoque de Photicé insiste sur les difficultés du discernement des esprits :

« Il arrive non seulement que les démons se changent en anges de lumière et trompent les âmes mais il arrive aussi que l’Esprit Saint permette aux âmes de traverser des périodes de désolation ».

Dans la tradition occidentale, Jean Cassien traite longuement de la discretio, qui est pour lui la disposition fondamentale de la vie monastique. Le moine doit lui consacrer tous ses soins afin de se rendre capable de discerner sûrement les esprits qui franchissent les portes de son âme. Ses enseignements seront repris par toute la tradition monastique en particulier par saint Benoît et saint Bernard. Au 16ème siècle, saint Ignace reprendra ces divers éléments de la tradition en faisant une proposition originale dans les Exercices spirituels. Ceux-ci marqueront un tournant dans l’histoire de la pratique du discernement.

Chez Ignace, le discernement est le fruit d’une expérience spirituelle personnelle, alors qu’il était alité, en convalescence. Durant ce temps, il expérimente que ses différentes pensées produisent des effets divers dans son âme : tristesse ou regret ; force et zèle pour Dieu. À la suite de la tradition, il dira que certaines de nos pensées viennent de nous, d’autres comme « du dehors ». Nous n’y pouvons rien. En revanche, il est possible de s’y arrêter ou de les rejeter. « Le discernement commence donc avec l’éveil d’une attention à ces effets. Quelle est la résonance en moi de ces pensées ? Qu’en reste-t-il une fois la pensée disparue ? Qu’est-ce qui est touché en moi ? L’affectivité superficielle ou le dynamisme vital ? Discerner, c’est faire la différence entre ces pensées ou ces désirs qui rejoignent ou alimentent en nous le dynamisme vital et ceux qui procurent un plaisir superficiel, non durable, incapable de construire quoi que ce soit, ou qui assombrissent le paysage intérieur » (Sylvie Robert).

Repérage intérieur

Le lieu du discernement est donc notre cœur profond. Il s’agit peu à peu d’apprendre à reconnaître ce qui se produit en nous, en particulier ce qui vient du bon esprit ou du mauvais esprit. Bien souvent, nous ne sommes pas attentifs à ce qui se passe en nous et ainsi nous risquons de nous laisser balloter au gré de nos humeurs et de nos envies. Pour apprendre à discerner, il s’agit donc de « sentir et reconnaître » ce qui se passe dans notre cœur profond. « Cela suppose d’être attentif à ces résonances internes, et d’abord d’y être ouvert, de se laisser toucher, plutôt que de se blinder ou de refuser les pensées et leurs effets »  (Sylvie Robert).

Il s’agit de repérer les mouvements qui modifient mon paysage intérieur, par exemple est-ce que mon « climat intérieur » s’est éclairé en bonheur, paix, ou bien s’est-il obscurci et chargé de tristesse et de trouble ? Il s’agit aussi de distinguer les   mouvements qui me portent vers « les choses basses et terrestres » des mouvements qui « appellent et attirent aux choses célestes ou au salut de l’âme ».

Entraînement quotidien

Le discernement est un art délicat qui s’acquiert peu à peu. Comme un sportif s’entraîne chaque jour pour progresser dans sa discipline, ainsi nous pouvons nous entraîner au discernement. Un moyen est de pratiquer des retours à Dieu dans notre journée, fréquemment, selon la méthode proposée ci-dessous.

Conclusion

Notre cœur profond est le lieu du discernement mais aussi le lieu du combat spirituel. En effet, une fois que j’ai discerné ce que produisent en moi ces pensées, la question est de savoir ce que j’en fais, si je dois les accueillir ou les rejeter afin de mieux correspondre à ce que Dieu attend de moi pour l’aimer, le louer et le servir.

Demandons donc à Dieu la grâce de progresser dans un tel discernement et d’être fortifiés dans ce combat, pour la plus grande gloire de Dieu.

Les retours à Dieu (selon Dom Belorgey)

Au cours de mes actions quotidiennes, je fais plusieurs fois dans ma journée un petit examen de conscience rapide, appelé retour à Dieu, en prenant quelques minutes dans le secret de mon cœur :

Dans un premier temps : je me mets en présence de Dieu et je me demande : « qu’est-ce que Dieu veut de moi dans l’instant présent ? »

Puis : Est-ce que je réponds à ce qu’Il veut ? Est-ce que je coopère à l’action de Dieu ?

Pour terminer : si je ne faisais pas la volonté de Dieu, je me réajuste et je rectifie mon intention en la rendant conforme à la sienne. Si je faisais la volonté de Dieu, je garde le cap, je maintiens mon intention et je l’intensifie en me livrant davantage à l’action de Dieu.

 

La citation

«La garde du cœur n’est autre chose que l’attention qu’on apporte aux mouvements de son cœur et à tout ce qui se passe dans l’homme intérieur, pour régler sa conduite par l’Esprit de Dieu et l’ajuster à son devoir et aux obligations de son état. » (Louis Lallemant)

 

Pour aller plus loin…

Rien que pour aujourd’hui :

– Je repère dans la journée les effets que produisent les pensées qui me viennent à l’esprit le plus souvent : zèle pour Dieu ou découragement ; joie ou tristesse ; contentement ou amertume ; douceur ou colère ? Qu’est-ce que je fais de ces pensées ?

– Je peux prendre la décision de mettre en place dans ma journée plusieurs temps de « retours à Dieu » afin de mieux m’ajuster à sa volonté dans le quotidien de ma vie.

Lectures

  • Les chemins de Dieu avec Ignace de Loyola, Sylvie Robert, Éditions Facultés Jésuites de Paris.

  • Le discernement des esprits selon Ignace de Loyola, Dominique Salin, Lessius.

  • Sous le regard de Dieu, Dom Godefroid Bélorgey, Cerf.

Retrouvez les articles précédents de notre série « Vie d’oraison ».
(publication éditée par des frères et sœurs de la Communauté des Béatitudes – ©droits réservés).

Oraison

Ces articles sur la vie d'oraison sont extraits du bulletin mensuel "Il est là !" publié à l'usage des membres de la Communauté des Béatitudes et de leurs amis. Il est rédigé par un collectif de laïcs, prêtres, frères et sœurs consacrés, membres de la Communauté, avec le désir de stimuler la vie de prière, essentielle à la vocation aux Béatitudes comme à toute vie chrétienne authentique... C'est pourquoi nous sommes heureux de vous partager ces contenus simples.

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